Page:Richardson - Clarisse Harlove, II.djvu/276

Cette page n’a pas encore été corrigée

a témoigné plus d’une fois dans le cours de cette scène, qu’elle sentait ses esprits abattus, et que la douleur affoiblissait ses forces : mais je te jure, Belford, qu’elle ne devait pas être trop foible pour me repousser aussi vivement qu’elle a fait ; j’en ai eu plusieurs fois de l’inquiétude pour elle.) Cl. vous et moi, ô le plus vil de tous les hommes !… Lovel. mon nom est Lovelace, madame. Cl. et par conséquent celui du plus vil de tous les hommes. (cet emportement est-il pardonnable, Belford ?) vous et moi nous connaissons la vérité ; nous la connaissons toute entière. Je n’ai pas besoin de purger ma réputation devant ces deux dames, elle est déjà perdue dans l’esprit de ceux dont j’ai le plus de raison de regretter l’estime ; mais je veux avoir cette nouvelle preuve de vos noirceurs : dis, misérable ; dis, Lovelace, si tu l’aimes mieux, es-tu réellement mon mari ? Parle, réponds sans hésiter. (elle tremblait d’impatience et d’indignation ; mais elle avait dans les yeux quelque chose d’égaré, dont j’ai cru pouvoir tirer avantage pour parer à cette maudite attaque, qui ne me causait pas peu d’embarras. Si je lui avais soutenu que nous étions mariés, jamais elle ne m’aurait cru sur le moindre point : si j’avais fait l’aveu qu’elle désirait, j’aurais détruit toutes mes espérances, du côté des deux femmes comme du sien, et je me serais ôté tout prétexte pour suivre ses traces ou pour arrêter sa fuite. Tu t’imagineras bien que ce n’est pas la honte qui m’aurait retenu, si la politique me l’avait permis.) Lovel. mon cher amour ! Quel étrange désordre dans votre langage ! Quelle réponse me demandez-vous ? Quelle nécessité de la faire ? Ne dois-je pas vous rappeler ici à votre propre cœur, à la lettre et au traité du capitaine Tomlinson ? Vous savez vous-même de quoi nous sommes convenus ; et le capitaine… Cl. ô misérable imposteur ! Est-ce là répondre à ma question ? Parle ; sommes-nous mariés ou non ? Lovel. ce qui fait le mariage, nous le savons tous. Si c’est l’union de deux cœurs (voilà un tour, Belford), je dois dire avec une extrême douleur, que nous ne sommes pas mariés, puisqu’il est trop clair que vous me haïssez : si c’est la consommation, je dois avouer encore, avec une confusion égale à mon regret, que nous ne sommes pas mariés. Mais, ma chère, ayez la bonté de considérer quelle réponse une demi-douzaine de personnes, dans la maison dont vous ne faites que sortir, pourraient faire à votre question ; et dans le petit désordre où vous êtes, ne traitez pas de douteux, devant ces dames, un point que vous avez reconnu devant d’autres témoins, qui nous connaissent mieux. Je voulais m’approcher pour lui représenter plus bas le traité avec son oncle, et la lettre du capitaine ; mais, se retirant en arrière, et me rejetant de la main : demeure à la distance qui te convient, m’a dit cette chère insolente : puisque tu as la bassesse de te sauver par de si pitoyables évasions, j’en appelle à ton propre cœur, et je ne reconnais aucun mariage avec toi. Soyez-en témoins, mesdames. Cesse donc de me tourmenter ; cesse de me suivre. Toute coupable que je suis, je n’ai pas mérité cette cruelle persécution… mais je reprends mon premier langage. Vous n’avez aucun droit de me poursuivre ; vous savez que rien ne vous en donne sur moi ; ainsi retirez-vous, et laissez-moi le soin de ma triste