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baissées l’une vers l’autre, et j’ai reconnu des marques d’attendrissement sur leur visage. Mon tendre cœur s’en est ressenti. " dites, mesdames : ne me trouvez-vous pas fort à plaindre " ? Si elle ne m’avait pas préféré à tous les hommes du monde… je me suis arrêté ici, et c’est sans doute, ai-je repris en cherchant mon mouchoir, ce qui a jeté M Tomlinson dans l’embarras, lorsqu’il a su sa fuite ; lui qui, la dernière fois qu’il nous a vus, admirait deux cœurs les plus passionnés… oui, les plus passionnés, ai-je répété d’un ton douloureux. J’ai tiré alors mon mouchoir ; et le portant à mes yeux, je me suis levé pour m’avancer vers la fenêtre. Ce souvenir, ai-je dit d’une voix altérée, me rend plus foible qu’une femme. Si je ne l’aimais pas plus qu’un mari n’aima jamais la sienne… (oh ! Pour cela, Belford, je n’en doute pas moi-même). Je me suis encore arrêté ; et reprenant : toute charmante que vous la voyez, je souhaiterais ne l’avoir jamais connue. Pardonnez, mesdames, (en revenant sur mes pas, après avoir assez frotté mes yeux pour les faire paraître un peu rouges) ; et, tirant mon portefeuille, je veux vous faire voir une lettre… la voici. Prenez la peine de lire, Miss Rawlings. Elle vous confirmera combien toute ma famille est disposée à l’admirer. J’y suis traité un peu librement, comme dans les deux autres ; mais, après les ouvertures que je viens de vous faire, je ne dois plus avoir de secret pour vous. Elle l’a prise avec une curiosité avide. Après avoir regardé les armes d’un air d’admiration, elle a lu l’adresse, à M Lovelace, etc. . Je l’ai interrompue : oui, mademoiselle, oui, c’est mon nom, (feignant d’avoir oublié que je m’étais déjà nommé plusieurs fois). Je n’ai pas sujet d’en rougir, comme vous voyez. Le nom de ma femme est Harlove, Clarisse Harlove ; vous me l’avez entendue nommer

ma chère Clarisse. Je m’étais figuré, m’a dit Miss Rawlings, que c’était quelque nom imaginaire, un nom d’amour. Non, mademoiselle, c’est réellement son nom. Je l’ai priée de lire la lettre entière à Madame Moore. Si l’orthographe n’est pas exacte, ai-je ajouté, vous aurez la bonté d’excuser ; c’est l’écriture d’un seigneur . Peut-être ne ferai-je pas voir cette lettre à ma femme ; car, si celles que je lui ai laissées ne produisent aucun effet, je n’en espère pas plus de celle-ci, et je ne suis pas bien aise d’exposer Milord M à ses dédains. En vérité, je commence à devenir fort indifférent pour les suites. Miss Rawlings, flattée de cette marque de confiance, m’a regardé d’un œil de pitié, et s’est mise à lire. Tu peux lire ici, si tu veux, la même lettre que j’ai la bonté de t’envoyer. à M Lovelace.

au château de M, mercredi, 7 de juin. Mon neveu Lovelace, il me semble que vous auriez pu trouver le temps de nous apprendre la célébration de votre mariage. C’est une politesse que j’avais droit d’attendre de vous. Mais peut-être a-t-il été célébré dans le temps même que vous me proposiez de servir de père à votre femme. Je ne serais pas de