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affection, (leur affection, Belford !) et la connaissance qu’ils ont de mon excellent caractère (autre sujet d’admiration). Mais il ne manque rien à leur consentement, aux témoignages de leur joie, à l’empressement qu’ils ont de voir et d’embrasser leur charmante nièce, leur adorable cousine. Après avoir fait lire à mes deux femmes une copie de ces lettres, dont je m’étais muni fort heureusement, j’ai cru qu’il m’était permis de menacer et de faire un peu le brave. Je ne me sens pas porté, leur ai-je dit, à faciliter cette visite, que Miladi Lawrance et Miss Montaigu veulent faire à ma femme. Après tout, je suis las de ses caprices. Elle n’est plus ce qu’elle peut se vanter d’avoir été ; et, comme j’ai cru pouvoir le déclarer devant vous, mesdames, j’abandonnerai cette ennuyeuse île, quoique je lui doive la naissance, et que j’y laisse un bien considérable, pour aller résider, soit en Italie, soit en France, et ne me souvenir jamais que j’ai porté la malheureuse qualité de mari. Oh ! Monsieur, s’est écriée l’une. Quel dommage ! M’a dit l’autre. Que voulez-vous madame ? En me tournant vers Madame Moore. Que puis-je vous dire ? En m’adressant à Miss Rawlings. Je suis au désespoir. Je ne puis soutenir plus long-temps cette dureté. J’ai eu le bonheur d’être favorisé quelquefois par les dames (en prenant un air modeste, Belford, et tu sais que je ne mens point.) à l’égard de ma femme, il ne me reste qu’une espérance ; car je dois tant de mépris à ses parens, que je ne puis souhaiter notre réconciliation que pour l’amour d’elle : c’est que, s’il plaisait au ciel de nous accorder des enfans, elle pourrait reprendre sa douceur ordinaire, qui nous rendrait parfaitement heureux. Mais la réconciliation même, qu’elle avait si fort à cœur, devient plus difficile que jamais par la téméraire démarche qu’elle vient de faire, et par le transport où vous la voyez. Vous vous imaginez bien que son frère et sa sœur n’apprendront pas cette dernière aventure, sans en prendre droit de renouveler leurs persécutions ; sur-tout, après avoir affecté jusqu’à présent de ne pas croire notre mariage réel, et ma femme, elle-même, n’ayant que trop de disposition à seconder ce mauvais bruit, parce que nous ne sommes encore liés que par la célébration. Ici, j’ai repris l’air modeste, pour faire ma cour à Miss Rawlings. Je me suis tourné à demi. Ensuite, recommençant à les regarder toutes deux ; vous-mêmes, mesdames, vous ne saviez ce que vous en deviez croire. Il a fallu vous raconter toute notre histoire ; et je vous assure, que je ne me donnerai pas la même peine pour convaincre une famille que je hais, une famille dont je n’attends et je ne désire aucune faveur, et qui résiste d’ailleurs à la conviction. Dites-moi, je vous le demande ; qu’arrivera-t-il, lorsque l’ami du plus raisonnable des deux oncles va paraître, quoiqu’il ait toute l’apparence d’un homme d’honneur ? N’est-il pas naturel qu’il me dise, " à quoi bon, M Lovelace, entreprendre de réconcilier Madame Lovelace avec ses proches, par la médiation de son oncle, lorsque tous deux, vous n’êtes pas mieux ensemble ? " la conséquence est juste, Madame Moore ! Je n’aurai rien à répondre, Miss Rawlings ! Le plus grand mal, c’est ce maudit serment qui nous lie, dans ses idées, jusqu’au moment de sa réconciliation. Les deux femmes ont paru touchées de mon raisonnement. Je parlais avec beaucoup de feu, quoique d’un ton fort bas ; et puis, ce sexe aime à se voir traité avec un air d’importance. Leurs têtes prudentes se sont