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la présence de son oncle, je crois avoir trouvé un expédient qui conciliera tout ; à moins qu’il ne soit plus déterminé dans sa résolution, que je ne l’ai jugé par sa réponse. Je remets à vous expliquer mes vues, lorsque j’aurai le plaisir de vous voir à Londres ; et peut-être serai-je en état de vous apprendre alors ce qu’il en aura pensé lui-même. Mais vous n’avez pas de temps à perdre. Il est impatient d’apprendre que vous ne fassiez plus qu’un ; et j’espère qu’en vous quittant à mon retour, je serai en état de l’assurer que j’ai vu la célébration de mes propres yeux. S’il naissait quelque obstacle de la part de votre chère dame, ce qui est impossible de la vôtre, je serais tenté de lui reprocher effectivement des excès de délicatesse. M Jules Harlove compte entre ses espérances, monsieur, que vous apporterez plus de soin à fuir qu’à rencontrer ce violent neveu. Il a pris une meilleure opinion de vous, permettez-moi cette remarque, depuis que je lui ai rendu compte de votre modération et de votre politesse : deux qualités dont son neveu est mal partagé. Mais où trouver des hommes sans défaut ? Vous ne vous imagineriez jamais quelle tendresse mon cher ami conserve encore pour son excellente nièce. Je veux vous en donner un exemple, dont je ne vous dissimulerai pas que j’ai été fort touché. " si je suis jamais assez heureux, me disait-il dans un de nos derniers entretiens, pour voir cet aimable enfant faire les honneurs de ma table, comme maîtresse de ma maison ; toute la famille présente, en qualité seulement de ses hôtes ; car c’était ma passion, pendant le mois qu’elle m’accordait à mon tour ; et j’y avais fait consentir sa mère… " là ce respectable ami s’arrêta. Il tourna le visage. Deux ruisseaux de larmes coulaient sur ses joues. Il voulait me les cacher ; mais il n’en eut pas la force. " cependant, reprit-il, comment… comment… " (chaque parole étoit accompagnée d’un sanglot) " comment serai-je capable de soutenir la première entrevue ? " je ne suis pas un homme dur, M Lovelace, et j’en bénis le ciel. Mes yeux témoignèrent à mon digne ami, qu’il n’avait pas eu raison de rougir devant moi de son humanité. Il est temps de finir une si longue lettre. Ayez la bonté de faire agréer mon très-humble respect à la plus excellente personne de son sexe ; et comptez absolument, monsieur, sur le zèle et la fidélité de, etc. Tomlinson. Pendant la conversation dont je t’ai fait le récit, je m’étais placé au fond de la chambre où j’étais ; vis-à-vis de la porte, qui était ouverte ; et devant celle du cabinet, qui était fermée. J’avais parlé si bas, que dans cet éloignement il avait été impossible à ma charmante de m’entendre ; et ma situation me laissait observer si sa porte s’ouvroit. J’ai dit aux deux femmes que le voyage de Miladi Lawrance avec sa nièce, et la visite qu’elles doivent faire à mon épouse, qui ne les avait jamais vues, étoient des vérités si réelles, que j’attendais à chaque moment des nouvelles de leur arrivée. Je leur ai parlé alors des deux autres lettres que j’avais laissées à ma femme ; l’une, de Miladi Lawrance, et l’autre, de ma cousine Montaigu. Je t’en épargne la lecture. L’impertinence de mes chers parens ne cesse pas de se répandre en reproches. Ils sont charmés d’en trouver l’occasion. Leur motif est toujours une vive