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même que vous eussiez pris le parti de vous marier, il laisse à juger à ses deux oncles s’il n’y a pas lieu de croire que vous avez commencé par déshonorer sa sœur, et s’il lui reste par conséquent quelque droit de prétendre à la faveur et au pardon de sa famille ! Je crois, monsieur, qu’il est à propos de lui cacher cette partie de ma lettre. M James est résolu d’approfondir la vérité, et de se procurer même, à toutes sortes de prix, le moyen de parler à sa sœur. Je suis bien informé qu’il part demain dans cette vue, avec une suite nombreuse et bien armée, et M Solmes doit être de la partie. Ce qui donne tant d’ardeur à M James, c’est la déclaration que M Jules, son oncle, a faite à toute la famille, qu’il pense à réformer les dispositions de son testament. M Antonin est dans la même résolution ; car il paraît que Madame Howe ayant refusé depuis peu l’offre de sa main, il a renoncé absolument au dessein de changer d’état. Ces deux frères agissent toujours de concert. M James commence à craindre (et je puis vous dire, sur ce que j’ai entendu de M Jules, que ses craintes ne sont pas sans fondement) qu’il ne revienne à sa sœur, de ce changement, plus d’avantage qu’il ne désire. Il a déja sondé son oncle. Il a voulu savoir s’il n’avait pas reçu quelques nouvelles propositions de la part de sa sœur. M Jules n’a pas répondu directement, et s’est borné à des souhaits pour une réconciliation générale, accompagnés de la supposition que sa nièce était mariée. Ce furieux jeune homme a paru s’en offenser. Il a fait souvenir son oncle de l’engagement dans lequel ils sont tous entrés, au départ de sa sœur, de ne prêter l’oreille à rien sans un consentement général. Le cher M Jules me fait souvent des plaintes de l’humeur impérieuse de son neveu. à présent, dit-il, qu’il n’a personne dont le génie supérieur lui serve de frein, il n’observe plus aucune règle de bienséance avec ses proches. C’est ce qui donne plus d’ardeur que jamais à M Jules, pour la réconciliation de sa nièce. Il n’y a pas deux heures que j’ai pris la liberté de lui proposer une correspondance avec sa fille nièce

c’est le nom

qu’il lui donne quelquefois encore, dans le mouvement de sa vive affection. Je lui ai offert une enveloppe à mon adresse. Cette chère nièce, lui ai-je dit, est d’une si parfaite prudence, que personne n’est plus capable de tout conduire à la plus heureuse fin. Il m’a répondu que, dans les circonstances présentes, il ne se croit pas tout-à-fait libre de hasarder cette démarche ; et qu’il lui paraît plus prudent de se réserver le pouvoir d’assurer, dans l’occasion, qu’il n’avait avec elle aucune correspondance. Ce détail vous fera juger, monsieur, combien il est nécessaire que notre traité demeure absolument secret. Si votre chère dame a déjà fait quelque ouverture à Miss Howe, sa digne amie, je me flatte que c’est en confidence. Je passe en peu de mots, monsieur, à votre lettre de lundi dernier. M Jules Harlove a paru fort satisfait de votre empressement à recevoir ses propositions. à l’égard du désir que vous marquez tous deux, de le voir à la cérémonie, il m’a dit que ses démarches étoient observées de si près par son neveu, qu’il ne voyait aucune apparence de pouvoir vous obliger sur ce point, quand son inclination l’y porterait ; mais qu’il consent de bon cœur que je sois l’ami qui assistera de sa part à cet heureux évènement. Cependant, si votre chère dame continue de souhaiter fort ardemment