Page:Richardson - Clarisse Harlove, II.djvu/260

Cette page n’a pas encore été corrigée

pas jeter les yeux vous-même sur les lettres, souffrez que je vous en lise un article ou deux. Loin, loin ! S’est-elle écriée ; et que jamais je ne voie ni toi ni tes lettres. De quel droit oses-tu si cruellement me tourmenter ? étranges questions, mon très-cher amour ! Questions auxquelles vous répondriez fort bien vous-même. Sans doute, a-t-elle repris avec le même emportement ; et voici donc ma réponse… je me suis hâté d’élever encore plus la voix. Elle s’est arrêtée. Tendre fille ! Ai-je dit en moi-même, malgré la petite colère où j’étais contr’elle ; il serait bien singulier qu’un caractère tel que le tien fût capable ici de me résister. Cependant j’ai baissé le ton, aussi-tôt que sa bouche s’est fermée. Tout est devenu doux, soumis, dans mon accent. J’ai penché la tête, une main levée, et l’autre appuyée sur ma poitrine. Au nom du ciel, ma très-chère Clarisse, lui ai-je dit en poussant un profond soupir, déterminez-vous à voir le capitaine avec un peu de modération. Il voulait venir avec moi ; mais j’ai cru devoir essayer d’abord d’adoucir votre esprit sur ce fatal mal entendu ; et cela, pour entrer dans vos propres intentions ; car, sans ce cher motif, que m’importe à moi que vos parens pensent ou ne pensent pas à se réconcilier avec nous ? Ai-je quelque faveur à leur demander ? C’est donc pour vous-même que je vous conjure de ne pas rendre inutiles les services et la négociation du capitaine. Ce vertueux officier sera ici avant la fin du jour. Miladi doit arriver à Londres, avec ma cousine, dans un jour ou deux. Leur premier soin sera de vous voir. Ne poussez pas si loin cette petite querelle, que Milord M Miladi Lawrance et Miladi Sadleir en puissent être informés. (si tu savais, Belford, de quel œil les femmes ont commencé à me regarder !) ma tante Lawrance ne vous laissera point en repos, que vous n’ayez consenti à l’accompagner dans ses terres : et votre cause sera sûrement entre ses mains. J’ai repris haleine un moment, pour juger de ses dispositions par sa réponse. Mais sa contenance et le ton de sa voix ne m’ont pas plu. Et crois-tu, misérable… a-t-elle recommencé… il fallait absolument l’interrompre. Misérable ! Me suis-je écrié plus haut qu’elle. Ah, madame ! Vous savez que je n’ai pas mérité des noms si violens. Une ame si délicate est-elle capable de cet injurieux langage ? Mais ce traitement vient de vous, madame ; de vous que j’adore ; de vous qui m’êtes plus chère que moi-même. (les femmes ont recommencé à se regarder. Mon ardeur a paru leur plaire. Il n’y a point de femmes, Belford, mariées, filles, ou veuves, qui n’aiment les ardeurs . Miss Howe même, dans une de ses lettres, prend parti pour les ardeurs .) cependant, madame, je dois dire que dans cette occasion vous avez été trop loin. Je vois que vous me haïssez… elle allait répondre… si nous devons nous séparer sans retour, ai-je continué d’une voix plus ferme et plus grave, je ne serai pas long-temps incommode à cette île. En attendant vos dernières résolutions, daignez seulement lire ces lettres, et considérer ce qu’il faut dire à l’ami de votre oncle, ou ce qu’il doit dire lui-même à son ami. Renoncez à moi, si vous voulez ; je ne m’en prêterai pas moins à tout ce qui peut faciliter la paix et la réconciliation