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retirée dans son cabinet, j’étais libre d’entrer, et de satisfaire ma curiosité. Quels mouvemens ont recommencé à s’élever dans mon cœur ! Je me suis traîné en clochant. Après avoir parcouru des yeux toutes les parties de la chambre, pour me donner le temps de reprendre haleine, j’ai approuvé tout ce que j’avais vu, et j’ai garanti que ma femme n’en serait pas moins contente. Ensuite, demandant la permission de m’asseoir, j’ai fait diverses questions sur le ministre de la paroisse, sur ses talens pour la chaire, et particuliérement sur ses mœurs. C’est une curiosité, madame, que j’ai dans tous les lieux où je m’arrête. J’aime que la conduite du clergé réponde à ce qu’il nous prêche. Rien n’est si juste, monsieur. Mais c’est ce qui n’arrive pas aussi souvent qu’il serait à souhaiter. Tant pis, madame, tant pis. Pour moi, j’honore extrêmement le clergé en général. Si l’on suppose dans ceux qui sont appelés à la perfection par leur état et par les moyens qu’ils ont de se perfectionner, autant de foiblesses que dans les autres hommes, le reproche tombe sur la nature humaine plus que sur la robe ecclésiastique. Je n’ai jamais aimé la censure qui attaque les professions… mais je retiens votre demoiselle dans son cabinet. Ma goutte me rend incivil. Ici, quittant ma chaise, je me suis traîné à la fenêtre. De quelle étoffe sont ces rideaux, madame ? De fil damassé, monsieur. Je les trouve extrêmement beaux. On les croirait de soie. Ils sont plus chauds que la soie, j’en suis sûr, et plus convenables à un appartement de campagne, sur-tout pour des personnes un peu âgées. Le lit me paraît de fort bon goût. Il est très-propre, monsieur. Nous ne prétendons ici qu’à la propreté. Oui vraiment, il est des plus propres. Un camelot de soie, si je ne me trompe. En vérité, tout est fort bien. Tout plaira beaucoup à ma femme. Mais nous serions fâchés de mettre votre jeune demoiselle hors de son appartement. Nous nous contenterons à présent des deux autres chambres. Je me suis avancé vers le cabinet, pour observer le dessus de porte. Que représente cette peinture ? Ha ! Je le vois. Une sainte Cécile. C’est un tableau fort commun, monsieur. Il n’est pas mal, il n’est pas mal. C’est une copie de quelque bon tableau d’Italie… mais, pour tout au monde, je ne voudrais pas mettre votre demoiselle dehors. Nous nous accommoderons des deux autres pièces, ai-je répété un peu plus haut, mais toujours de mon ton rauque, et parlant du gosier ; car mon attention était partagée entre le son de ma voix et mes discours. Ah, Belford ! Si près de mon adorable Clarisse, juge quelle devait être ma contrainte ! J’étais résolu de l’engager, s’il était possible, à sortir d’elle-même de sa retraite. J’ai feint d’être prêt à me retirer. Madame Moore, ai-je repris, vous me promettez donc cette chambre lorsqu’elle sera libre : non, ai-je ajouté, en levant assez la voix pour me faire entendre du cabinet, que je veuille incommoder votre jeune demoiselle,