Page:Richardson - Clarisse Harlove, II.djvu/251

Cette page n’a pas encore été corrigée

je me suis assis dans l’endrait le plus obscur de la chambre. Ne vous asseyez-vous pas aussi, madame ? Nous n’aurons pas de difficulté pour le prix. Vous conviendrez, s’il vous plaît, avec ma femme. Prenez seulement des arrhes (en lui mettant une guinée dans la main). J’ajouterai une chose : ma femme a le défaut d’aimer un peu l’argent, quoiqu’elle ait d’ailleurs le cœur fort bon. Elle m’a donné beaucoup de bien ; et cette raison, jointe à l’amour qu’un honnête homme doit à sa femme, m’oblige de garder avec elle toutes sortes de ménagemens. S’il arrive qu’elle soit un peu serrée dans le marché que vous ferez ensemble, ayez la complaisance de vous relâcher. Je suppléerai à tout, sans sa participation. C’est mon usage. Je ne voudrais pas lui causer la moindre peine. Madame Moore a loué mes attentions, et m’a promis de se conformer à toutes mes volontés. Cependant, lui ai-je dit, ne pourrais-je pas jeter un moment les yeux sur l’autre chambre, pour être en état d’en rendre un compte plus exact à ma femme ? Elle m’a répondu que la jeune demoiselle souhaitait de ne voir personne, mais qu’elle allait lui proposer… je l’ai retenue par la main. Demeurez, demeurez, madame. Si votre jeune demoiselle veut être seule, il ne conviendrait pas de l’importuner… vous ne l’importunerez pas, monsieur. Elle est d’un ort bon naturel. J’ose me promettre qu’elle ne fera pas difficulté de descendre un moment, pour vous laisser libre. Elle a si peu de tems à passer ici, qu’elle ne voudrait pas s’opposer à mon avantage. Je me l’imagine comme vous, madame, si son caractère est tel que vous le dites. Est-elle ici depuis bien long-temps ? Depuis hier seulement, monsieur. Il me semble, madame, que je l’ai entrevue à sa porte. Elle m’a paru d’un âge avancé. Non, monsieur. Vous êtes assurément dans l’erreur. C’est une jeune personne, et des plus belles que j’aie jamais vues. Pardon, madame ; quoique je ne puisse vous cacher que, si elle devait faire un long séjour ici, j’aimerais autant qu’elle fût un peu plus âgée. Vous me trouverez d’un goût fort étrange. Mais, en faveur de ma chère moitié, j’aime toutes les femmes d’un certain âge. D’ailleurs, j’ai toujours pensé que l’ âge mérite du respect ; et c’est la raison qui m’a fait tourner mes vues vers la femme que j’ai aujourd’hui, en mettant aussi sa fortune dans la balance ; c’est de quoi je ne disconviens pas. J’admire votre façon de penser, monsieur. La vieillesse est respectable. Nous vivons tous dans l’espérance de vieillir. Fort bien, madame. Mais votre jeune personne est belle, dites-vous ? Je vous avouerai aussi que, si j’aime à converser avec les vieilles, je ne laisse pas de prendre plaisir à voir une belle et jeune personne, comme j’en prendrais à la vue d’une belle fleur dans un jardin. Ne pourrais-je pas jeter un coup-d’œil sur votre demoiselle, sans qu’elle s’en aperçut ? Car, dans l’équipage où je suis, je ne souhaiterais pas plus qu’elle de paraître aux yeux de personne. Je vais lui demander, monsieur, si je puis vous faire voir l’appartement. Comme vous êtes marié, et que vous n’êtes plus de la première jeunesse, peut-être fera-t-elle moins de scrupule. C’est-à-dire, madame, que vous la croyez un peu de mon goût, et que sa préférence