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oserait faire la moindre question à l’homme d’importance qui se présente dans un carrosse ? J’abandonne mon cocher et mon laquais à la direction de Will. Jamais coquin ne fut plus hideux qu’il le paroît dans son déguisement. Il ne peut être reconnu que du diable et de son autre maître, qui lui ont tous deux imprimé leur marque. Pour la mienne, il la portera toute sa vie ; car je prévois qu’il sera pendu avant que l’ âge fasse tomber le reste de ses dents, avec celle qu’il se vante d’avoir perdue par mes coups. Je pars. Compte que je suis parti.



M Lovelace, à M Belford.

Hamstead, vendredi au soir. Prépare ton attention, Belford, pour le chef-d’ œuvre des récits. Je le continuerai, comme les circonstances me le permettront ; mais avec tant d’habileté, que si je l’interromps vingt fois, tu ne pourras t’appercevoir où le fil sera rompu. Les douleurs de ma goutte ne m’ont point empêché de descendre de mon carrosse, pesamment appuyé d’une main sur ma canne, et de l’autre sur l’épaule de mon laquais. J’ai observé de me trouver à la porte, au même moment que j’y ai fait frapper, pour être plus sûr d’en obtenir l’entrée. Ma redingote étoit boutonnée soigneusement ; et j’en avais couvert jusqu’au pommeau de mon épée, qui était un peu trop gai pour mon âge. Il y avait peu d’apparence que j’eusse l’occasion d’employer mon épée. En marchant vers la porte, je me suis pressé plusieurs fois les yeux pour en adoucir l’éclat, (passe cette rodomontade à ma vanité, Belford) ; j’ai ramené mon capuchon sur mes joues, et mon chapeau bordé, avec ce qui paroissait de ma perruque, me donnait l’air d’un bel homme un peu suranné. La porte s’est ouverte. J’ai demandé à voir la maîtresse du logis. La servante m’a conduit dans le parloir . Je me suis assis, avec l’exclamation d’un homme qui souffre. Madame Moore est venue. Votre serviteur, madame. Pardon, si je ne puis me lever. Votre affiche m’a fait connaître que vous avez des logemens à louer. Ayez la bonté de m’expliquer en quoi ils consistent. J’aime votre situation, et je vais vous expliquer de quoi ma famille est composée. J’ai ma femme, qui est un peu plus âgée que moi, et d’une fort mauvaise santé, à qui l’on a conseillé de prendre l’air d’Hamstead. Nous aurons une servante et deux laquais. Comme notre dessein est de n’avoir qu’un carrosse, nous trouverons dans le village quelque lieu pour l’y placer ; et le cocher se logera près de ses chevaux. Quel jour, monsieur, comptez-vous d’être ici avec votre famille ? Je prendrai votre appartement dès aujourd’hui ; et si je le trouve commode, peut-être ma femme y sera-t-elle ce soir. Ne seriez-vous pas bien aise, monsieur, d’avoir tout-à-la-fois la table et le logement ? C’est ce qui dépendra de vous, madame. Vous m’épargnerez l’embarras d’amener mon cuisinier. Je suppose que vos domestiques sont capables d’apprêter trois ou quatre plats. Le régime de ma femme demande