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m’armer contre moi-même, en me pressant de lui accorder une semaine, dont elle croyait avoir besoin ; et plus méchamment encore, elle voulait me charger de la folle commission d’amener à Londres une de mes cousines, pour nous donner la satisfaction d’apprendre à notre arrivée son évasion et ma honte éternelle. Crois-tu qu’il y ait quelque punitn assez sévère pour ce noir petit démon ? Mais observe, je te prie, quel air plausible elle donne, par ce billet, à la résolution de ne me pas voir d’une semaine, supposé qu’elle ne trouvât pas plutôt l’occasion de s’évader. Vois comment la provision d’eau et de biscuits se trouve expliquée ; tout puérile que nous a paru cet expédient. Le carrosse ne paraît point encore ; et quand il serait arrivé, je m’aperçois qu’il n’est pas jour, et qu’il est trop tôt pour tout, excepté pour mon impatience. Comme j’ai déjà pris mes mesures, et que je ne puis m’occuper que de mon triomphe, je vais relire sa violente lettre, pour me fortifier dans mes résolutions. Jusqu’à présent, mes idées ont été si noires, que je n’ai pas voulu m’arrêter trop à ce qui n’était capable que d’en augmenter le trouble. Mais, depuis que la perspective est changée, mon imagination plus gaie peut y répandre un peu d’agrément. Lorsque j’aurai tiré de ma charmante l’explication de quelques endroits de sa lettre, et que je lui en aurai fait expier d’autres, je te promets une copie de ce curieux ouvrage. Il suffit à présent de te dire, en premier lieu, qu’elle est déterminée à n’être jamais ma femme . Assurément, Belford, la violence ne doit avoir aucune part aux cas de cette importance. C’est le crime de ses parens ; et je les ai trop condamnés, pour être capable de mériter le même reproche. Je suis bien aise de connaître ses intentions sur un point si essentiel. je l’ai perdue d’honneur, dit-elle. C’est un mensonge grossier, dans le sens même qu’elle le prend. Si j’avais fait ce qu’elle dit, peut-être n’aurait-elle pas pris la fuite. elle se voit jetée dans le vaste espace du monde.

je conviens que la vaste colline d’Hamstead lui offre des perspectives assez étendues ; mais ce n’est pas non plus le vaste espace du monde. D’ailleurs, si c’est le sujet de ses plaintes, j’espère de la faire bientôt rentrer dans des bornes plus étroites. je suis, tout-à-la-fois, l’ennemi de son ame et de son honneur. maudit excès de sévérité, qui n’est, après tout, qu’un nouveau mensonge ! La vérité est que j’aime fort son ame ; mais que, dans cette occasion, je n’y pense pas plus qu’à la mienne. la voilà réduite à chercher des secours étrangers.

n’est-ce pas sa faute ? Rien n’est assurément plus contraire à mes désirs. elle se voit tombée, de l’indépendance, dans un état de contrainte et d’obligation. jamais elle n’a connu l’indépendance ; et c’est un état qui ne convient à aucune femme, de quelque âge et de quelque condition qu’on la suppose. à l’égard de celui d’ obligation , qu’on me nomme quelqu’un parmi les vivans, qui n’y soit point assujetti. Les obligations mutuelles sont l’essence et comme l’ame de la société. Pourquoi serait-elle dispensée de cet aimable joug ? Celui dont elle fait aujourd’hui l’objet de