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décence qu’elle a si mal récompensée. Si je la retrouve ! Tu sais par quel redoutable serment je suis engagé à la vengeance. Cependant, te le dirai-je ? Toute cruelle, toute ingrate qu’elle est à mes yeux, je crois sentir dans quelques momens, qu’elle règne sur mon ame avec un pouvoir plus absolu que jamais.



M Lovelace, à M Belford.

Wilson m’a remis une lettre en mains propres. Une lettre ! Elle est de Miss Howe à sa cruelle amie. Je n’ai pas fait scrupule de l’ouvrir. C’est un miracle que je ne sois pas tombé en convulsion à cette lecture, sur-tout en considérant quels effets une pièce si infernale aurait pu produire, si cette Clarisse

l’avait reçue. Collins l’a remise à Wilson cet après-midi, et l’a pressée particulièrement de la faire porter en toute diligence à Miss Beaumont . Il étoit venu ici auparavant, dans l’intention de la remettre à elle-même. On lui avait dit avec trop de vérité, qu’elle était absente, et qu’il pouvait laisser ce qu’il avait pour elle, avec confiance que tout lui serait remis à son retour. Mais il n’avait voulu se fier à personne. Il est revenu une seconde fois ; et ne recevant pas d’autre réponse que la première, il a pris le parti de retourner chez Wilson, et de lui laisser la lettre. Je te l’envoie sous cette enveloppe, parce qu’elle serait trop longue à transcrire. Elle t’apprendra ce qui a conduit ici Collins. ô détestable Miss Howe ! Il faut absolument que je prenne quelque résolution à l’égard de cette petite furie. Tu me renverras sa lettre, aussi-tôt que tu l’auras lue. C’est ici que je t’exhorte à la lire. évite de trembler pour moi, si tu le peux. à Miss Loetitia Beaumont.

mercredi, 7 de juin. Peut-être, vous plaignez-vous, chère amie, que mon silence devient trop long. Mais, depuis ma dernière lettre, j’en ai commencé deux en différens tems, toutes deux fort longues, et, je vous assure, assez vives ; animée, comme je l’étais, contre l’abominable personnage avec qui vous êtes, sur-tout après avoir lu la vôtre du 21 de mai. Mon dessein était de garder la première ouverte, jusqu’à ce que je fusse en état de vous apprendre le progrès de mes soins du côté de Madame Towsend. C’était quelques jours avant que j’aie pu voir cette femme. Ayant eu le tems, dans l’intervalle, de relire ce que j’avais écrit, j’ai cru devoir mettre cette lettre à part, et vous écrire d’un style plus modéré, dans la crainte que vous ne blâmassiez la liberté de quelques-unes de mes expressions, ou, si vous voulez, de mes exécrations . Ensuite, lorsque la seconde était déjà fort avancée, le changement de vos propres idées, à l’occasion de Miss Montaigu et de vos nouvelles espérances, me l’a fait mettre à part aussi. Je suis demeurée incertaine, et je penchais même à tout suspendre jusqu’à la décision de votre sort, que je ne pouvais croire fort éloigné. Peut-être me serais-je arrêtée à cette résolution, d’autant plus que, suivant vos lettres, les apparences devenaient