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à la sirène

(je t’en prie, Belford, laisse-moi la satisfaction de lui donner des noms injurieux) et lui ayant dit que j’étais allé à l’officialité, d’où j’avais averti que j’irois au cocotier ou aux armes du roi , afin qu’on pût m’y renvoyer le conseiller Williams, et ceux qui pourraient me demander dans mon absence, elle l’a pressée de prendre quelque rafraîchissement. La perfide était noyée dans ses pleurs, lorsqu’elle a permis à Dorcas d’entrer dans sa chambre. Elle a refusé de boire et de manger. Ses soupirs auraient fait croire qu’elle était au dernier moment de sa vie. Fausse douleur ! C’est la douleur humble et muette qui mérite de la pitié. Sous ces trompeuses apparences, n’était-elle pas occupée de ma ruine, et du dessein de m’enlever tout ce que j’avais de précieux au monde ? Cependant, étant résolue de ne me pas voir au moins d’une semaine, elle s’est fait apporter quelques biscuits et une carafe d’eau. Elle a dit à Dorcas, que c’était tout ce qu’elle voulait prendre dans cet intervalle, et qu’elle la dispensait de son service. L’artificieuse créature ! Feindre, comme tu vois, de faire des provisions pour un siège de huit jours ! Mais, est-elle partie ? Est-il possible qu’elle soit partie ? Ah ! Quel triomphe pour Miss Howe ! Cependant, je conseille à cette petite furie de veiller sur elle-même. Si c’est elle qui a l’audace de la recevoir, le sort me prépare une abondante réparation. Je trouverai le moyen de les enlever toutes deux. Le fil de ma narration m’échappe. Mais au diable le fil et les liaisons ! C’est le désordre qui convient aux insensés ; et mon partage sera bientôt de perdre la raison. Dorcas a consulté la misérable Sinclair. Elle a demandé si elle devait obéir. " n’y manquez pas, lui a dit ce vieux serpent ; M Lovelace saura ce qu’il doit faire, lorsqu’il sera résolu de la voir. ". Elle a joint seulement une bouteille de vin d’Espagne aux provisions. Cette facilité a rendu la belle si obligeante, qu’elle s’est laissée persuader de monter au second, pour observer les ravages du feu. Non-seulement elle en a paru effrayée, mais, après avoir confessé qu’elle s’était défiée de quelque artifice, elle a reconnu que le danger avait été réel. Ce langage a fait naître la confiance dans toute la maison. Chacun rioit seulement en soi-même, de l’expédient puérile qu’elle s’avisait d’employer pour faire remarquer son ressentiment. Sally, faisant toujours le bel esprit, a dit qu’après tout, M Lovelace aurait tort de quereller pour du pain et de l’eau . Pour moi, ce qui paroissait puérile à toutes ces misérables, m’aurait fait soupçonner, dans une fille si sensée, ou quelqu’aliénation d’esprit, après l’aventure de la nuit précédente, ou la vérité de son dessein, puisque, suivant ses propres suppositions, notre mariage devait être célébré dans le cours de la semaine qu’elle prétendait vouloir passer sans me voir. Après avoir paru tranquille pendant quelques momens, elle a chargé mon valet de porter chez Wilson une lettre adressée à Miss Howe, et de s’informer s’il n’y en avait pas pour elle. Il a gardé cette lettre ; et feignant d’avoir exécuté ses ordres, il est revenu lui dire qu’il n’avait rien trouvé chez Wilson. Elle lui a commandé alors de porter à l’officialité une autre lettre, qu’elle lui a remise pour moi. Tous ces ordres ont été donnés sans aucune