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à vous rendre. Depuis trop long-temps la vie n’est qu’un fardeau pour moi : ou (jetant un regard farouche autour d’elle) donnez-moi seulement les moyens, et je vais vous convaincre sur le champ que mon honneur m’est plus cher que la vie. Ensuite, les mains toujours croisées sur sa poitrine, et ses larmes coulant comme deux ruisseaux, elle m’a nommé encore une fois son cher Lovelace ; elle m’a promis de me remercier jusqu’à son dernier soupir, si je voulais lui accorder ce qu’elle me demandait, ou lui épargner de nouvelles indignités. Je me suis assis ; je suis demeuré quelques momens suspendu. Ce n’est point une femme, me suis-je dit à moi-même, c’est un ange que je tiens et que je presse dans mes bras ; car je la tenais encore dans l’état où je l’avais relevée. Mais elle m’est encore échappée, pour retomber aussi-tôt à genoux. Voyez, M Lovelace… grand dieu ! Faut-il que je vive pour éprouver ce barbare traitement ? Voyez à vos pieds une infortunée qui implore votre pitié, et qui, pour l’amour de vous, est abandonnée de tout le monde ! Ah ! N’accomplissez pas l’horrible malédiction de mon père ! N’en soyez pas l’instrument comme vous en avez été la cause ! épargnez-moi, épargnez-moi, je vous en conjure ! Comment ai-je mérité que vous me traitiez avec cette barbarie ? Pour vous-même, pour votre propre intérêt, si ce n’est pas pour celui de mon honneur et de ma vie, comme vous souhaitez que le tout-puissant ait pitié de vous à votre dernière heure ! Laissez-vous toucher par mes invocations et par mes larmes. Un cœur d’acier aurait été pénétré. J’ai voulu aider plus doucement cette chère suppliante à se lever. Elle n’a pas voulu quitter sa posture, si je ne l’assurais, m’a-t-elle dit, que je me rendais à sa prière, et qu’elle pouvait se lever pour vivre innocente. La dureté m’a manqué pour résister plus long-temps. Levez-vous, fille divine, lui ai-je répondu d’une voix altérée par ma propre émotion ; soyez ce que vous êtes, et tout ce que vous souhaitez d’être. Mais assurez-moi vous-même que vous me pardonnez tout ce qui s’est passé, et dites-moi que vous continuerez de me regarder du même air de faveur et de satisfaction qui a fait mon bonheur depuis quelques jours. à cette condition, je me soumets à mon cher tyran, dont l’empire n’a jamais eu tant de force sur moi que dans cet instant ; et je vous laisse libre aussitôt. Puisse dieu tout puissant, m’a-t-elle dit d’un ton passionné, en levant les yeux au ciel avec un regard attendri, écouter vos prières dans vos plus fâcheux momens, comme vous avez écouté les miennes ! Laissez-moi donc à présent. Retirez-vous. Laissez-moi à mes propres réflexions. Ce sera me laisser assez de tourment, et plus que vous n’en devez souhaiter à vos plus cruels ennemis. Ne me soupçonnez pas d’un dessein prémédité, ma très-chère Clarisse. Tout est arrivé sans avoir été prévu. Ah ! M Lovelace ; en poussant un profond soupir. En vérité, madame, le feu était réel. (il l’était en effet, Belford). Toute la maison étoit menacée d’être réduite en cendre, comme vous en serez convaincue ce matin par vos propres yeux. Ah ! M Lovelace. Que l’excès de ma passion, madame, et le bonheur que j’ai eu de vous rencontrer à la porte de votre chambre dans une attitude si charmante… laissez-