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servir de père à la cérémonie ; et ce projet n’ayant manqué que sur nos représentations pour éviter l’éclat d’une célébration publique, à laquelle sa chère nièce avait eu peine à consentir pendant qu’elle était dans la disgrâce de sa famille : mais que, s’il avait quelque raison de ne pas nous accorder cette faveur, je souhaitais que le capitaine Tomlinson fût l’homme de confiance qu’il lui plût d’employer dans cette heureuse occasion ". J’ai fait voir cette lettre à ma charmante. Tu juges qu’elle ne lui a pas causé de chagrin. Ainsi, Belford, nous ne saurions faire trop de diligence à présent pour le contrat et pour la permission. Le jour sera celui de l’oncle, ou peut-être du capitaine Tomlinson, suivant l’ordre que je mettrai dans les événemens. Voilà des précautions pour toutes sortes de contre-tems. Le systême contrebandier de Miss Howe ne te paroîtra plus fort dangereux. Il serait inutile de t’expliquer d’avance tous les avantages que je puis recueillir d’une invention à laquelle je n’ai rien épargné. Pourquoi ces deux petites créatures m’obligent-elles d’employer mes coups de maître ? Je m’occupe actuellement d’une petite mine, que je veux tenir prête à jouer dans l’occasion. C’est la première que j’ai employée de son espèce ; et, du pas dont j’avance, peut-être sera-t-elle la dernière. Je la nomme petite ; mais elle peut produire de grands effets ; quoique je ne compte pas si absolument sur le succès, que je n’en aie de plus sûres en réserve. Cependant les grandes machines sont souvent remuées par de petits ressorts. Une étincelle tombée par accident sur un magasin à poudre, fait quelquefois plus de ravage que cent pièces d’artillerie. Mettons les choses au pis ; le flambeau de l’hymenée et la chaîne conjugale feront mon amende honorable.



M Belford, à M Lovelace.

mardi, 6 de juin. Quoique je n’aie guère à me louer jusqu’à présent du succès de mes représentations, mon cœur me force de prendre encore une fois la plume, en faveur de cette divine fille, sans que je puisse expliquer d’où vient le zèle qui me fait prendre parti pour elle avec une ardeur si sincère. Mais tu reconnais tout son mérite. Tu n’avoues pas moins sa méchanceté, et tu oses même en faire gloire ! Quelle espérance de toucher un cœur si endurci ? Cependant, comme il n’est pas trop tard, et que tu approches néanmoins de la crise, je suis résolu d’essayer quel sera l’effet d’une nouvelle lettre. Si je n’en tire aucun fruit, je n’aurai perdu que ma peine ; et si tu te laisses vaincre, je suis sûr que dans la suite tu croiras m’avoir une extrême obligation. Raisonner avec toi, ce serait une folie. Le cas ne demande point de raisonnement. Je me réduis par conséquent à te conjurer de ne pas faire perdre à la plus excellente de toutes les filles, le prix de sa vigilance et de sa vertu. Je suis persuadé qu’il n’y eut jamais de libertins si abandonnés, qu’ils n’aient remis leur réformation à quelque âge de leur vie : et je demande de toi que, dans cette importante occasion, tu fasses ce que tu dois, pour