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produire une solide réconciliation. Si nous prenons ce parti, il conjure ma chère dame de ne pas suspendre le jour, afin qu’il puisse être autorisé à tenir ce langage, par la vérité du fait essentiel. (que cet homme est consciencieux, Belford !) elle ne doit pas s’attendre non plus, dit-il, que son oncle fasse le moindre pas vers la réconciliation désirée, avant la célébration réelle de la cérémonie. Il conclut, en me promettant d’être bientôt à la ville, où d’autres affaires l’appellent, et de nous rendre une visite, pour nous expliquer plus particulièrement ce qui s’est passé, et ce qui pourra se passer encore, entre M Jules et lui ". Hé bien, ma chère vie, que dites-vous de l’expédient de votre oncle ? écrirai-je au capitaine, pour l’assurer que, de notre part, il n’y a point d’objection ? Elle est demeurée en silence pendant quelques minutes. Enfin, poussant un soupir, voyez, M Lovelace, m’a-t-elle dit, dans quels embarras vous m’avez jetée, en me faisant marcher après vous par vos chemins tortueux. Voyez à quelle humiliation je me trouve exposée. Assurément votre conduite n’a pas été celle d’un homme sage. Ma très-chère Clarisse, ne vous souvenez-vous pas avec quelles instances je vous ai suppliée de consentir à la célébration, avant notre départ pour Londres ? Si vous m’aviez accordé alors cette faveur… fort bien, fort bien, monsieur, le mal vient sans doute de quelque côté : c’est tout ce que je puis répondre à présent. Mais, puisque le passé n’est plus en notre pouvoir, je crois que mon oncle doit être obéi. Charmante disposition à l’obéissance ! Il ne me restait, Belford, pour ne pas demeurer au-dessous du digne capitaine et du cher oncle, que de presser encore pour le jour. C’est ce que j’ai fait avec beaucoup de chaleur. Mais on m’a répété, comme je pouvais m’y attendre, que lorsque le contrat serait achevé et les permissions obtenues, il serait temps de nommer un jour. Ensuite, détournant le visage avec un air de tendresse inexprimable, et portant son mouchoir à ses yeux, quel bonheur, m’a-t-elle dit, si son cher oncle pouvait consentir, dans cette occasion, à faire l’office de père pour la pauvre orpheline ! Que signifie le mouvement qui s’élève dans mon cœur ? D’où vient cette goutte d’eau qui est tombée sur mon papier ? Une larme ? Par ma foi ! Belford, c’est une larme ; diras-tu que je ne m’attendris pas facilement ? Au simple souvenir ! Au seul récit ! Mais j’ai devant les yeux son aimable image, dans la même attitude où je l’ai vue prononcer ces paroles ; et je t’avouerai qu’au moment qu’elle les prononçait, ce vers de Shakespear m’est venu à l’esprit : " ton cœur est plein. Retire-toi, et pleure à ton aise ". Je suis sorti, et j’ai pris la plume pour écrire au capitaine. Je l’ai prié " de dire à son cher ami que nous acquiescions à toutes ses volontés, et que nous avions déjà pris les mesures convenables du côté de nos hôtesses et de nos domestiques : que, s’il était disposé à me donner de sa propre main celle de sa chère nièce, nous serions tous deux au comble de nos désirs ; que le jour qu’il lui plairait de nommer serait le nôtre : me flattant qu’il ne le remettrait pas fort loin, non-seulement pour répondre aux sages vues qu’il s’était proposées lui-même, mais parce qu’il était à souhaiter que Milord M n’eût pas sujet de se croire négligé, après l’intention qu’il avait eue, comme je l’avais dit au capitaine, de nous