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C’est la vérité, Belford. On les en a nommés les fiers Harloves. J’ai toujours observé que l’ honneur nouveau est fier et délicat. Mais ne vois-tu pas combien j’avais raison de faire tous mes efforts pour persuader à ma belle qu’il fallait laisser penser à l’ami de son oncle que nous étions mariés ; sur-tout lorsqu’il était venu disposé à le croire, et lorsque l’oncle s’en était flatté ? En vérité, ce bas monde n’a rien de si pervers qu’une femme qui s’est mis dans la tête de l’emporter sur quelque point, et qui n’a, pour la contrarier, qu’un homme doux et ami de son propre repos. Ma charmante souffrait pendant cette lecture. Elle a tiré son mouchoir ; mais elle était plus portée à faire tomber le blâme sur moi que sur elle-même. Si vous aviez été fidèle à vos promesses, M Lovelace, et si vous m’aviez quittée en arrivant à Londres… elle s’est arrêtée, en se rappelant sans doute, que c’était sa faute si notre mariage ne s’était pas fait avant que nous eussions quitté la campagne : et comment aurais-je pu m’éloigner ensuite, tandis que son frère formait des complots pour l’enlever ? Il n’est pas même certain qu’il ait renoncé à ses projets ; car, suivant la lettre, " M Jules a dit au capitaine, (en confidence, remarque l’écrivain) que son neveu s’occupe actuellement à découvrir où nous sommes ; dans l’opinion qu’ayant quitté la campagne, et ne donnant plus de mes nouvelles à la famille, nous sommes quelque part ensemble. D’un autre côté, il est clair pour lui que nous ne sommes pas mariés, n’en eût-il pour preuve que la démarche récente de M Hickman auprès de son oncle, et celle de Madame Norton auprès de sa mère ". Or, M James ne peut supporter que je jouisse paisiblement de mon triomphe. Un profond soupir a suivi ce fâcheux détail ; et le mouchoir a repris son chemin vers ses yeux. Mais la chère ame n’a-t-elle pas mérité ce petit retour, pour la perfide intention qu’elle a eue de se dérober à moi ? J’ai continué de lire, dans la même vue. " pourquoi donc, a demandé M Jules, s’est-on hâté de répondre au premier ami qu’il avait envoyé, que nous étions mariés, et de qui cette réponse ? De la femme de chambre de sa nièce. Cette fille ne devait-elle pas être bien informée ? N’aurait-elle pas pu donner des raisons convaincantes… ". Ici, ma charmante a recommencé à pleurer. Elle a fait un tour dans la chambre ; et revenant à moi, elle m’a prié de continuer. Voulez-vous lire, ma très-chère vie ? Lisez, lui ai-je dit, prenez la peine de lire vous-même. Elle m’a répondu qu’elle prendrait la lettre en me quittant ; qu’elle n’était point en état de lire ; (essuyant ses yeux), continuez, a-t-elle repris ; allez jusqu’à la fin. Vous pourrez me donner votre sentiment sur cette lettre, comme je vous dirai le mien. " le capitaine a donc appris au cher M Jules, les raisons qui m’ont porté à déclarer que nous étions mariés, et les conditions auxquelles ma charmante s’est laissée engager à ne me pas contredire ; ce qui nous a tenus dans le plus scrupuleux éloignement. Mais on n’a pas cessé d’insister sur mon caractère ; et M Jules est parti fort mécontent. Le capitaine était si peu satisfait lui-même, qu’il n’avait pas eu beaucoup d’empressement à écrire le résultat de cette première conférence.