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chien, me souviens-je d’avoir entendu dire à Milord M. Qui sait si quelque jour, par complaisance pour moi, elle ne se laisserait pas conduire à prendre bonne opinion de toi, Belford ? Mais à quoi ma folle imagination s’arrête ! N’est-ce pas pour tenir mon cœur en bride ? Je reconnais que je n’ai pas d’autre vue, par les remords dont je le sens agité, tandis que ma plume rend témoignage à l’excellence de ma chère Clarisse. Cependant je dois ajouter, sans qu’aucune considération d’intérêt propre m’empêche jamais de rendre justice à cette admirable personne, que, par la prudence, et les lumières que je lui ai trouvées dans notre conversation, elle m’a convaincu qu’à son âge, il n’y a pas de femme au monde qui l’égale. Je m’interromps moi-même, pour relire quelques-unes des lettres empestées de Miss Howe. Maudites lettres, Belford, que celles de cette Miss Howe ! Relis, relis toi-même celles des miennes où je t’en ai fait l’extrait. Mais je continue mon récit. à tout prendre, ma charmante n’a respiré que douceur, complaisance, sérénité, dans cette délicieuse promenade. Aussi ne lui ai-je pas donné sujet de marquer d’autres sentimens. Comme c’est la première fois que j’ai eu l’honneur de me promener seul avec elle, j’étais résolu de l’encourager, par mon respect, à m’accorder librement la même faveur. à notre retour, j’ai trouvé le secrétaire du conseiller Williams qui m’attendait avec la minute du contrat : les articles ne sont proprement qu’une copie du contrat de ma mère, avec les changemens nécessaires. L’original m’étant renvoyé en même-tems par le conseiller, je l’ai mis entre les mains de ma belle. Cette pièce n’a servi qu’à faciliter l’ouvrage. C’est un bon modèle, puisqu’il a été dressé par le célèbre Milord S, à la prière des parens de ma mère ; et l’unique différence, entre les deux contrats, consiste dans cent livres sterling de plus, que j’ajoute à la pension annuelle. J’ai offert à ma charmante de lui faire la lecture du vieil acte, tandis qu’elle jetterait les yeux sur le nouveau. Mais elle s’en est excusée, comme elle avait refusé d’être présente lorsque j’avais collationné ces deux actes avec le secrétaire. Je suppose qu’elle ne s’est pas souciée d’entendre parler de tant d’enfans ; le premier, le second, le troisième, le quatrième et le cinquième fils, etc. Et d’autant de filles, qui doivent sortir de ladite Clarisse Harlove. Charmans détails ! Quoiqu’ils soient toujours accompagnés du mot de légitime ; comme s’il pouvait arriver qu’un mari eût de sa femme des enfans qui ne fussent pas légitimes. Mais crois-tu que, par-là, ces archi-fripons de gens de robe n’aient pas en vue d’insinuer qu’un homme peut devenir père avant le mariage ? C’est apparemment leur intention. Pourquoi ces gens-là font-ils naître des idées de cette nature dans l’esprit d’un honnête homme ? Cet exemple, comme une infinité d’autres, nous montre que la jurisprudence et l’évangile sont deux choses différentes. Dans notre absence, Dorcas s’est efforcée de parvenir à la cassette du cabinet. Mais elle ne l’aurait pu sans violence ; et s’exposer, par un motif de curiosité pure, à des dangers de cette conséquence, ce serait manquer de discrétion. Madame Sinclair et les nymphes sont toutes d’avis que je suis à présent si bien dans l’esprit de ma belle, et que j’ai si visiblement part à sa confiance