Page:Richardson - Clarisse Harlove, II.djvu/183

Cette page n’a pas encore été corrigée

dont il convient que ma belle soit informée. Ensuite il dépendra de moi de rendre, suivant l’occasion, l’usage de sa main droite au vieux pair, qui pourra m’écrire alors une lettre un peu plus sensée que la dernière. Mercredi, 31 de mai. Notre bonheur ne fait qu’augmenter. On m’a fait la plus grande faveur du monde. Au lieu d’une berline pour la promenade, on m’a permis de prendre un carrosse à deux. Notre entretien, dans cette agréable partie, a tourné sur notre manière de vie future. Le jour est promis, quoiqu’avec un peu de confusion. à mes instances répétées, on a répondu qu’il ne serait pas éloigné. Nos équipages, nos domestiques, notre livrée, ont fait partie de ce délicieux sujet. On a souhaité que le misérable qui m’a servi d’espion dans la famille, l’honnête Joseph Léman, ne fût pas reçu dans notre maison ; et que, rétablie ou non, la fidèle Hannah fût appelée. J’ai consenti, sans objection, à ces deux articles. Nous avons raisonné sur les espérances de réconciliation. Si son oncle Harlove ouvrait seulement le chemin, et si l’affaire étoit entamée, elle se croirait heureuse : heureuse, a-t-elle repris avec un soupir, autant du moins qu’elle peut espérer de l’être à présent. Elle y revient toujours, Belford. Je lui ai dit qu’au moment de notre départ j’avais reçu des nouvelles de l’homme d’affaires de mon oncle, et que je l’attendais demain à Londres de la part de son maître. J’ai parlé, avec reconnaissance, de la bonté de milord ; et, avec plaisir, de la vénération dont mes tantes et mes cousines sont remplies pour elle ; sans oublier le chagrin que milord ressent de n’avoir pu répondre de sa propre main à ma dernière lettre. Elle a plaint milord. Elle a plaint aussi la pauvre Madame Fretchville ; car, dans l’abondance de sa bonté, elle n’a pas manqué de me demander de ses nouvelles. La chère personne s’est abandonnée à la pitié pour tout ce qui en mérite. Heureuse à présent dans ses propres vues, elle a le temps de promener ses yeux autour d’elle, et de s’occuper du bonheur de tout le monde. Il y avait beaucoup d’apparence, ai-je répondu, que Madame Fretchville demeurerait fort maltraitée. Son visage, dont elle s’était glorifiée, était menacé de conserver de fâcheuses marques. Cependant, ai-je ajouté, elle aura quelque avantage à tirer de ce triste accident. Comme le plus grand mal absorbe toujours les petits, la perte de sa beauté peut lui causer une douleur qui sera capable de diminuer l’autre, et de la rendre supportable. On m’a fait une douce réprimande du tour badin que je donnais à des malheurs si sérieux ; car quelle comparaison entre la perte de la beauté, et celle d’un bon mari ? Excellente fille ! Elle m’a parlé aussi de l’espérance qu’elle a de se réconcilier avec la mère de Miss Howe, et de la satisfaction qu’elle y trouve d’avance. La bonne Madame Howe ! C’est l’expression dont elle s’est servie pour une femme si avare, et si déshonorée par son avarice, que nulle autre au monde ne la nommerait bonne. Mais cette chère fille donne tant d’étendue à ses affections, qu’elle serait capable d’en avoir pour le plus vil animal qui appartiendrait à ceux qu’elle respecte. qui m’aime, aime mon