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Vous voyez, ma chère, que les instances ne tombaient pas ici sur un jour fixe. Je n’en ai pas été fâchée, et j’en ai repris plus aisément mes esprits. Cependant, je ne lui ai pas donné sujet de se plaindre que j’eusse refusé l’offre de chercher une maison. Il est sorti dans cette vue. Mais j’apprends qu’il se propose de passer ici la nuit ; et s’il y passe celle-ci, je dois m’attendre que lorsqu’il fera quelque séjour à la ville, il y passera toutes les autres. Comme les portes et les fenêtres de mon appartement sont à l’épreuve ; qu’il ne m’a donné jusqu’à présent aucun sujet de défiance ; qu’il a le prétexte du complot de mon frère ; que les gens de la maison sont fort obligeans et fort civils, particulièrement Miss Horton, qui paroît avoir conçu beaucoup de goût pour moi, et qui a plus de douceur que Miss Martin dans l’humeur et dans les manières ; enfin, comme tout a pris une apparence supportable, je m’imagine que je ne pourrais insister sur sa promesse, sans un air excessif d’affectation, et sans m’engager dans de nouveaux débats, avec un homme qui ne manque jamais de raisons pour justifier ses volontés. Ainsi, je crois que je ne prendrai pas connaissance du dessein qu’il a de se loger ici, s’il ne m’en parle pas lui-même. Marquez-moi, ma chère, ce que vous pensez de chaque article. Vous vous figurez bien que je lui ai rendu son billet de banque au moment de son arrivée. Vendredi, au soir. Il a vu trois ou quatre maisons, dont aucune ne lui a plu. Mais on lui a parlé d’une autre, qui promet quelque chose, dit-il, et dont il sera mieux informé demain. Samedi, à midi. Il a pris des informations. Il a même déjà vu la maison dont on lui avait parlé hier au soir. La propriétaire est une jeune veuve, qui est inconsolable de la mort de son mari. Elle se nomme Madame Fretcheville. Les meubles sont du meilleur goût, n’étant faits que depuis six mois. Si je ne les trouve pas à mon gré, ils peuvent être loués pour quelque tems, avec la maison. Mais si j’en suis satisfaite, on peut louer la maison et faire marché sur le champ pour acheter les meubles. La dame ne voit personne. On n’a pas même la liberté de visiter les plus beaux appartemens d’en haut, jusqu’à ce qu’elle les ait quittés pour se rendre dans une de ses terres, où elle se propose de vivre retirée. Elle pense à partir dans quinze jours, ou dans trois semaines au plus tard. Le sallon et deux pièces d’en bas, qui sont la seule partie de la maison qu’on ait fait voir à M Lovelace, sont d’une parfaite élégance. On lui a dit que tout le reste y répond. Les offices sont commodes ; les remises et l’écurie fort bien situées. Il sera fort impatient, dit-il, jusqu’au moment où j’en pourrai juger moi-même ; et s’il ne se présente rien d’ailleurs qui me plaise plus que son récit, il ne fera point d’autres recherches. Pour le prix, c’est à quoi il ne s’arrête point. Il vient de recevoir une lettre de Miladi Lawrance, qui regarde principalement quelques affaires qu’elle sollicite à la chancellerie. Mais elle ne laisse pas d’y parler de moi dans des termes fort obligeans. Toute la famille, dit-elle, attend l’heureux jour avec une impatience égale. Il en a pris occasion de me dire qu’il se flattait que leurs désirs et les siens