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parloir, d’où vous pourrez entendre, sans être vue, tout ce qui va se passer à la porte. Elle y a consenti. Nous sommes descendus. Dorcas a fait avancer le domestique. Je lui ai demandé ce qu’il désirait, et ce qu’il avait à dire à Monsieur ou à Madame Lovelace. Après quantité de révérences, je suis sûr, m’a-t-il dit, que j’ai l’honneur de parler à M Lovelace même. Ce que j’ai à demander, monsieur, c’est, si vous demeurez ici, et si l’on peut vous y parler, ou si vous y êtes du moins pour quelque tems ? De quelle part, mon enfant ? De la part d’un gentilhomme qui m’a donné ordre de répondre uniquement à cette demande, qu’il est ami de M Jules Harlove, oncle aîné de Madame Lovelace. La chère personne a pensé s’évanouir à ce nom. Elle s’est procurée depuis peu des sels ; elle les a tirés aussi-tôt. Dites-moi, mon ami, connaissez-vous le colonel Morden ? Non, monsieur ; je n’ai jamais entendu ce nom-là. Ni le capitaine Singleton ? Non, monsieur. Mais mon maître est aussi capitaine. Comment se nomme-t-il ? Je ne sais point si je dois le dire. Il ne saurait y avoir de mal, à me dire son nom, si vous venez avec des vues honnêtes. Très-honnêtes, monsieur ; car mon maître me l’a dit ; et sur la surface de la terre, il n’y a pas de plus honnête gentilhomme que mon maître. Son nom, monsieur, est le capitaine Tomlinson . Je ne connais pas ce nom-là. C’est ce que je m’imagine, monsieur. Il m’a dit qu’il n’avait pas l’honneur d’être connu de vous ; mais que, malgré cela, sa visite ne vous serait pas désagréable. Ici, faisant deux pas pour m’approcher du parloir : connaissez-vous, ma très-chère vie, un capitaine Tomlinson, ami de votre oncle ? Non, a répondu ma charmante ; mais mon oncle peut bien avoir des amis que je ne connaisse pas : et paroissant tremblante, elle m’a demandé si j’avais bonne opinion de cette aventure. Il fallait achever avec le messager. Si votre maître, lui ai-je dit, a quelque chose à démêler avec M Lovelace, vous pouvez l’assurer que M Lovelace est ici, et se trouvera volontiers au rendez-vous qui lui sera marqué. La chère personne a paru craindre que, pour ma propre sûreté, je ne me fusse engagé trop légèrement. Le messager est parti ; tandis que, pour prévenir l’étonnement de ma belle, j’ai feint de m’étonner que le capitaine Tomlinson, qui avait de justes raisons de me croire au logis, n’eût pas écrit deux mots en y envoyant pour la seconde fois. En même tems, dans la crainte que ce ne fût quelque invention de James Harlove, qui aime les complots, ai-je remarqué, quoiqu’il n’y ait pas la tête fort propre, j’ai donné quelques instructions préliminaires aux femmes et aux domestiques de la maison ; après avoir eu soin, pour rendre la scène plus éclatante, de faire assembler tout le monde : et ma charmante a pris la résolution de ne pas sortir jusqu’à ce qu’elle ait vu la fin de cette affaire.