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de cette phrase vulgaire : dieu envoie les viandes, et le diable fait la cuisine . Je me suis trouvé bientôt rétabli, après avoir pris le styptique de ses chères mains. Lorsqu’elle m’a pressé de prendre l’air, je lui ai demandé, si elle me ferait l’honneur de monter en carrosse avec moi. Je voulais connaître, par sa réponse, si elle pensait à sortir dans mon absence. Elle m’a répondu que, si elle n’était persuadée qu’une chaise me convenait mieux après mon accident, elle m’aurait accompagné de tout son cœur. Est-ce là un divin compliment ? J’ai baisé encore une fois sa main. Je lui ai dit qu’elle était la bonté même : que je regrettais de ne l’avoir pas mérité mieux : mais que je ne voyais devant nous que des jours heureux : que sa présence et le généreux intérêt qu’elle avait pris à mon accident m’avoient rétabli tout d’un coup : que j’étais bien : que je ne sentais plus le moindre mal ; mais que, puisqu’elle était d’avis que je prisse un peu l’air, j’allais faire appeler une chaise. ô chère Clarisse ! Ai-je ajouté, quand cette indisposition me serait venue de mes derniers chagrins, et du regret que j’ai eu de vous avoir désobligée, tout serait compensé à l’infini par votre bonté. Tout le pouvoir de la médecine est dans un sourire de votre bouche, et dans un regard de vos yeux. Votre dernier mécontentement a fait ma seule maladie. Pendant ce tems-là, toutes les femmes de la maison levaient les yeux et les mains, pour remercier le ciel du miracle. Voyez la force de l’amour, disait l’une tout bas, mais d’un ton qui pouvait être entendu ; le charmant mari ! Disoit une autre ; et toutes ensemble, l’heureux couple ! Que ce concert d’éloges a paru flatter ma charmante ! Quelles étincelles j’ai vu sortir de ses yeux ! Qu’on ne dise pas que les louanges offensent la modestie. Elles échauffent, au contraire, un cœur qui se rend témoignage de son mérite. Elles en bannissent la défiance, en y ranimant le courage et la gaieté. à présent, Belford, crois-tu qu’une maladie ne mène à rien ? Cependant, je te déclare que j’ai trop d’expédiens agréables à mettre en œuvre, pour recommencer jamais l’expérience de ce maudit ipécacuanha.



Miss Clarisse Harlove, à Miss Howe.

samedi, 27 de mai. Monsieur Lovelace, ma chère, a été fort malade. Son mal l’a pris subitement. Il a vomi du sang en abondance. C’est quelque vaisseau rompu. Il s’était plaint, hier au soir, d’un mal d’estomac. Je m’en suis sentie d’autant plus touchée, que je crains qu’il ne soit venu de nos violentes contentions. Mais étois-je coupable ? Que j’ai cru le haïr ces jours passés ! Mais je vois que, dans mon cœur, la colère et la haine ne sont que des mouvemens passagers. Il est impossible, ma chère, de haïr ceux qu’on voit en danger de mort, ou dans l’affliction. Je ne me sens point capable de résister à la bonté, ni au sincère aveu d’une faute commise. Aussi long-temps qu’il l’a pu, il a pris grand soin de me faire cacher sa