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pas s’en offenser (comme elle l’espérait, parce que la proposition n’était pas venue de lui-même, mais de moi,) elle le dispenserait volontiers de nous honorer de sa présence, d’autant plus que la parure, alors, et l’air de représentation, ne seraient pas nécessaires : car elle m’avouait qu’elle ne pouvait penser à se parer, tandis que son père et sa mère étoient dans les larmes. Plaisante idée que celle-là ! Si ses parens pleurent, ne l’ont-ils pas mérité ? Vois, Belford. Avec de si charmantes délicatesses, le nœud ne devrait pas être différé si long-temps. Cependant, il nous reste encore du chemin à faire, avant que d’y arriver. Je n’ai marqué que de l’obéissance et de la résignation. Nulle autre volonté que la sienne. Je l’ai quittée, pour écrire sur le champ à milord. Elle n’a pas désapprouvé ma lettre. Je n’en ai pas gardé une copie ; mais, en substance, " je témoigne ma reconnaissance à milord, pour la bonté dont il me donne de si chères marques, dans l’occasion la plus sérieuse et la plus importante de ma vie. Je lui dis que l’admirable personne à laquelle il donne des louanges si justes, trouve de l’excès dans les propositions qu’il fait en sa faveur : que jusqu’à ce qu’elle soit réconciliée avec ses proches, elle n’a pas d’inclination pour une fête éclatante, si nous pouvons éviter l’éclat sans désobliger les miens : qu’en se croyant fort redevable aux sentimens de bonté qui le font consentir à me la donner de sa propre main, comme elle présume qu’il n’a pas d’autre intention que de lui faire honneur, aux dépens même de sa santé, qui ne lui permet pas trop de s’exposer à la fatigue du voyage, elle croit qu’il serait plus à propos qu’il s’épargnât cette peine ; et qu’elle se flatte que la manière dont elle pense là-dessus sera prise de toute la famille dans son véritable sens. J’ajoute que le château de Median me paroît le plus convenable pour notre demeure, sur-tout parce qu’il me semble que c’est aussi le sentiment de milord ; mais que, s’il le souhaite, la dot peut-être assignée sur mon propre bien, et que je laisse l’alternative à son choix, que j’ai offert son billet de banque à Miss Harlove, mais que, sur le refus qu’elle a fait de l’accepter, n’en ayant pas besoin moi-même à présent, je le lui renvoie avec mes remerciemens, etc. ". Cette manœuvre m’engage dans des longueurs qui me désespèrent. Quelle figure ferais-je dans les annales des libertins, s’il arrivait que je fusse pris dans mon propre piège ? Mais, de quelque manière que l’affaire puisse tourner, de toute sa vie milord n’a reçu une lettre si agréable de son neveu Lovelace. La principale consolation que je trouve dans ces favorables apparences, c’est que, vraisemblablement, si je n’y mets pas d’obstacle par ma faute, moi qui n’ai à présent qu’une amie, j’en aurai autant qu’il y a de personnes dans la famille de M Lovelace, soit qu’il en use bien ou mal avec moi : et qui sait si, par degrés, le rang et le mérite de ces nouveaux amis n’aura point assez de poids pour me rétablir dans la faveur de mes proches ? Il n’y a point de véritable repos pour moi, jusqu’à cet agréable dénouement. Mon espérance, d’ailleurs, n’est pas d’être jamais heureuse. Le caractère de M Lovelace et le mien sont extrêmement