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qui doivent vous faire espérer d’y faire une grande figure. Si quelqu’un est propre à faire des loix capables de subsister, ce sont ceux à qui les anciennes n’ont pu servir de frein. Soyez assidu aux assemblées. Tandis que vous serez dans la chambre du parlement, vous n’aurez pas l’occasion de commettre le mal ; ou, du moins, aucun mal qu’on puisse reprocher à vous seul. Lorsque le temps de l’élection sera venu, vous n’ignorez pas que vous aurez deux ou trois bourgs à choisir. Mais j’aimerais mieux que vous fussiez pour le comté. La faveur ne vous manquera pas, j’en suis sûr. étant si bel homme, toutes les femmes obtiendront pour vous les voix de leurs maris. J’attendrai vos harangues avec une extrême impatience. Je souhaiterais que vous parlassiez dès le premier jour, si l’occasion s’en présente. Vous ne manquez pas de courage : vous avez assez bonne opinion de vous-même, et assez mauvaise des autres, pour ne pas demeurer en arrière dans ces occasions. Pour ce qui regarde les méthodes de la chambre, je vous connais assez d’élévation d’esprit, pour me faire craindre que vous ne les jugiez trop au-dessous de vous. Prenez garde à ce point. Je redoute bien moins, de votre part, un défaut de bonnes manières. Avec les hommes, vous ne manquez point de décence, lorsqu’ils ne vous irritent pas mal-à-propos : sur cet article, je vous donne pour règle de souffrir les contradictions d’autrui, avec autant de patience que vous en demanderiez pour les vôtres. Quoique je ne souhaite pas de vous voir un partisan outré de la cour, je serais fâché que vous fussiez du parti des mécontens. Je me souviens (et je crois même l’avoir jeté par écrit) d’un bon mot de mon vieil ami Sir Archibald Hutcheson , à M Craggs , le secrétaire d’état ; oui, je crois que c’était à lui-même. " je regarde une administration, disait-il, comme en droit d’attendre de moi tous les suffrages que je puis lui accorder en bonne conscience. Une chambre des communes ne doit pas jeter mal-à-propos de l’embarras dans les roues du gouvernement. Lorsque je n’ai pas donné ma voix au ministère, c’est avec regret ; et pour le bien de mon pays, j’ai toujours souhaité de tout mon cœur que les mesures fussent telles que je pusse les approuver ". Il avait une autre maxime que je n’ai pas moins retenue ; c’est " qu’un ministère et des opposans ne peuvent avoir toujours tort. Ainsi, dire toujours oui pour l’un ou pour l’autre, c’est une marque infaillible de quelque mauvaise intention qu’on n’oserait avouer ". Ces sentences, monsieur, sont-elles si mauvaises ? Les croyez-vous méprisables ? Pourquoi donc me blâmeriez-vous de les conserver dans ma mémoire ; et de les citer, comme j’y prends plaisir ? Je ne ferai pas difficulté de vous dire que, si vous aviez un peu plus de goût pour ma compagnie, vous n’en vaudriez pas moins. Je puis vous le faire remarquer sans vanité, puisque c’est de la sagesse d’autrui, et non de la mienne, que je fais tant de cas. Mais, pour ajouter un mot ou deux, dans une occasion qui ne reviendra peut-être jamais (car je veux que vous lisiez cette lettre d’un bout à l’autre), aimez les honnêtes gens, et fréquentez-les, de quelque condition qu’ils puissent être. dis-moi qui tu fréquentes, je te dirai qui tu es. ai-je ou n’ai-je pas déjà cité ce proverbe ? Dans une si longue lettre, et reprise tant de fois, on n’a pas toujours la mémoire présente.