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pourriez communiquer à vos descendans, s’ils n’étoient légitimes. Ce point mérite votre attention, monsieur. un homme n’est pas toujours fou, quoique tout homme le soit quelquefois.

mais on se flatte qu’à présent vos folies touchent à leur fin. Je sais que vous avez juré vengeance contre la famille de votre belle dame. Il n’y faut plus penser. Vous devez regarder tous ses parens comme les vôtres, et prendre le parti de l’oubli et du pardon. Lorsqu’ils vous reconnaîtront pour un bon mari et pour un bon père (ce que je demande à dieu, pour le bien de tout le monde), ils s’étonneront eux-mêmes de leur folle antipathie, et ne manqueront pas de vous en faire des excuses. Mais tandis qu’ils vous regardent comme un méprisable libertin, comment pourraient-ils vous aimer, ou trouver leur fille excusable ? Il me semble que je dirais volontiers quelques mots de consolation à votre dame, qui doit être, sans doute, fort embarrassée à trouver le moyen de tenir en bride un esprit aussi indocile que vous l’avez été jusqu’à présent. Je lui ferais entendre qu’avec des raisonnemens solides et des paroles douces, elle peut faire tout ce qu’elle voudra de vous. Quoiqu’en général, vous ayez la tête facile à s’échauffer, les paroles douces sont capables de vous refroidir, et de vous ramener au tempérament nécessaire pour votre guérison. Plût au ciel que la pauvre miladi votre tante, qui est morte depuis long-temps, eût été susceptible du même remède ! Que dieu fasse paix à son ame. Je ne veux pas faire de reproche à sa mémoire. on sent le mérite lorsqu’il n’est plus. je connais aujourd’hui le sien : et si j’étais parti le premier, elle dirait peut-être la même chose de moi. Il y a beaucoup de sagesse dans cette vieille sentence : Dieu puisse m’envoyer un ami pour m’avertir de mes fautes ; ou du moins un ennemi, il me les dira de même . Ce n’est pas que je sois votre ennemi, et vous le savez fort bien. plus on a de noblesse, plus on a d’humilité.

souffrez donc mes avis, si vous voulez qu’on vous croie le cœur noble. Ne suis-je pas votre oncle ? N’ai-je pas dessein de faire plus pour vous, que vous n’auriez pu attendre de votre père ? Je consens même, puisque vous le désirez, à vous servir de père lorsque vous serez à l’heureux jour. Faites mes complimens là-dessus à ma chère nièce, et dites-lui que je m’étonne beaucoup qu’elle diffère si long-temps votre bonheur. Je vous prie de lui apprendre que mon dessein est de lui offrir (à elle, et non à vous) mon château de Lancashire, ou celui de Median, dans le comté d’Herford, et de mettre sur sa tête mille livres sterling de rente annuelle, pour lui faire voir que notre famille n’est pas capable de prendre de vils avantages. Vous aurez toutes les donations en bonne forme. Pritchard sait toutes mes affaires sur le bout du doigt. C’est un bon et vieux domestique, que je recommande à l’affection de votre dame. Je l’ai déjà consulté. Il vous dira ce qui est le plus avantageux pour vous et le plus agréable pour moi. Je suis encore très-mal de ma goutte ; mais je me mettrai dans une litière, aussi-tôt que vous aurez fixé le jour. Je serai dans la joie de mon cœur, si je puis joindre vos mains : et trouvez bon que je vous le déclare ; si vous n’êtes pas le meilleur de tous les maris avec une jeune personne qui a montré pour vous tant de courage et de bonté, je vous renonce d’avance, et je mettrai sur elle et sur les enfans qu’elle aura de