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querelles anciennes et nouvelles. Voilà ce qui s’appelle une invention. Mais quelle différence d’elle aujourd’hui, à ce qu’elle étoit lorsque je l’ai vue pour la première fois ! Que son cœur hautain doit être humilié, pour craindre de moi des délais, et pour n’avoir plus d’autre sujet de chagrin ! Je suis rentré à l’heure du dîner. Elle m’a envoyé la lettre, avec des excuses pour l’avoir ouverte. Elle l’avait fait sans réflexion. Orgueil de femme, Belford ! Penser à ce qu’on a fait, et retourner sur ses pas. Je lui ai fait demander la permission de la voir sur le champ. Mais elle souhaite que notre entrevue soit remise à demain matin. Compte qu’avant que j’aie fini avec elle, je l’amènerai à confesser qu’elle ne peut me voir trop souvent. Mon impatience était si vive, dans une occasion si peu attendue , que je n’ai pu me défendre de lui écrire, " pour lui exprimer combien j’étais affligé de cet accident, et pour lui dire aussi, que ce n’était pas une raison de différer le jour heureux, puisqu’il ne dépendait pas d’une maison ". (elle le savait fort bien, dira-t-elle, et je le savais aussi). J’ajoute que Madame Fretchville ayant la politesse de témoigner, par M Mennell, le chagrin qu’elle a de ce contre-tems, et le désir qu’elle aurait que nous pussions un peu nous y prêter, il me semblait qu’aussi-tôt que je serais le plus heureux de tous les hommes, nous pourrions aller passer deux ou trois mois de l’été au château de Median, pour attendre qu’elle fût rétablie. Je suis trompé, si la chère personne ne prend cet accident fort à cœur. Malgré mes instances répétées, elle ne se relâche point de la résolution de ne me voir que demain. Ce sera dès six heures du matin, s’il vous plaît. Assurément, il me plaira . Comment soutenir, Belford, de ne la voir qu’une fois le jour ? T’ai-je dit, que j’ai écrit à Miss Charlotte Montaigu, pour lui marquer ma surprise de n’avoir point encore reçu la réponse de milord sur un sujet si intéressant ? Je lui ai parlé, dans ma lettre, de la maison que j’allais prendre, et des délais de la vaporeuse Madame Fretchville. C’est à contre-cœur que j’engage dans cette affaire quelqu’un de ma famille, homme ou femme : mais je ne puis trop mettre de sûreté dans mes mesures. Je vois qu’ils pensent déja aussi mal de moi qu’ils le peuvent. Tu m’avertis, toi-même, que l’honnête pair

appréhende que je ne joue à cette admirable fille quelqu’un de mes infames tours . Je reçois, à l’instant, une réponse de Miss Charlotte. Cette pauvre cousine n’est pas bien. Elle se plaint d’un mal d’estomac. Je ne suis pas étonné que l’estomac d’une fille la tourmente. C’est le mal de cet état. Qu’on leur donne un homme à faire enrager, elles sont soulagées de moitié ; parce que leur estomac trouve à s’exercer hors d’elles-mêmes. Pauvre Charlotte ! Mais je savais qu’elle était assez mal ; c’est ce qui m’a excité à lui écrire, et à lui témoigner un peu de chagrin, de ce qu’elle n’est pas encore venue à la ville pour rendre visite à ma charmante. Voici la copie de sa lettre. Tu riras de voir que la moindre de ces petites guenons me catéchise. Ils se reposent tous sur la bonté de mon caractère. Cher cousin, depuis long-temps nous sommes, de jour en jour, dans l’espérance d’apprendre que vous êtes heureusement lié. Milord a été fort mal. Cependant on n’a pu lui ôter le désir de vous répondre lui-même. C’est