Page:Richardson - Clarisse Harlove, II.djvu/130

Cette page n’a pas encore été corrigée

jamais entendre parler de celle qu’ils supposent coupable ; jusqu’à l’heureux moment de sa mort, qui fera revivre peut-être leur tendresse et leur compassion, en expiant toutes ses fautes. Il ne m’est pas venu un mot à répondre pour moi-même. Jamais une guerre de cette espèce ne s’était élevée dans mon ame ; la reconnaissance et l’admiration combattant de misérables habitudes, des résolutions préméditées et des vues dont tu sais combien je me suis glorifié. Cent nouvelles inventions que j’ai roulées dans ma tête et dans mon cœur, y faisaient face à la tentation d’être honnête ; les injures de Miss Howe se présentaient pour les seconder ; et je ne leur trouvais plus assez de force pour me défendre. J’étais un homme perdu, si Dorcas n’avait paru fort à propos avec une lettre. L’adresse portait : ouvrez sur le champ, monsieur . Je me suis approché d’une fenêtre. J’ai ouvert cette lettre mystérieuse. Elle était de Dorcas même, qui me pressait en deux mots, " d’arrêter madame, pour lui donner le temps de transcrire un papier d’importance. " elle me promettait de tousser lorsqu’elle aurait fini. J’ai mis la lettre dans ma poche, et je suis retourné vers ma charmante : moins déconcerté ; comme elle avait eu le temps de se remettre un peu pendant ma lecture, une grâce, lui ai-je dit, très-chère Clarisse ! Que j’apprenne seulement si Miss Howe approuve mes propositions. Je sais qu’elle est mon ennemie. Mon intention était de vous rendre compte du changement que vous m’avez reproché dans ma conduite ; mais vous m’en avez fait perdre l’idée par votre petit emportement. En vérité, ma chère Clarisse, vous vous êtes emportée avec beaucoup de chaleur. Croyez-vous qu’il ne soit pas bien chagrinant pour moi de voir mes désirs si long-temps remis ou rejetés, en faveur de vos vues prédominantes pour une réconciliation avec votre famille, qui ne souhaite rien moins que de se réconcilier ? De là vient le délai que vous avez apporté à la célébration, avant notre arrivée à Londres, malgré mes pressantes instances, et quoique outrageusement traitée par votre sœur et par toute votre famille ; de là cette facilité que vous avez eue à vous prévenir contre mes quatre amis, et à vous offenser de la hardiesse que j’ai eue de me saisir d’une lettre égarée ; me figurant peu que dans le commerce de deux dames, telles que vous et votre amie, ma curiosité pût trouver le sujet d’une mortelle injure. De là l’éloignement où vous m’avez tenu pendant une semaine entière, pour attendre le succès d’une autre négociation. Mais, après avoir reconnu qu’elle était inutile ; après avoir envoyé mes articles à Miss Howe, pour lui en demander son opinion, comme je vous l’ai conseillé moi-même ; après m’avoir honoré de votre compagnie samedi au soir à la comédie, et me devant le témoignage que jusqu’au dernier moment ma conduite n’a pas cessé d’être irréprochable ; le changement, madame, que j’ai remarqué dès le jour suivant dans la vôtre, n’a-t-il pas dû me causer autant de surprise que de douleur ? Et lorsque je vous ai vu persister, après avoir reçu la réponse que vous attendiez impatiemment de Miss Howe, n’ai-je pas dû conclure qu’il venait uniquement de son influence ? N’ai-je pas dû juger qu’il se formait quelque nouvelle négociation, quelque nouveau projet qui vous mettait dans la nécessité de me tenir éloigné de vous pour en attendre le succès, et dont le but était de vous arracher pour jamais à moi ? Car ce sacrifice n’a-t-il pas été constamment votre article