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de ma complaisance. Vous êtes un ingrat. Je vous hais du fond du cœur, M Lovelace ! " vous me mettez au désespoir, madame. Permettez-moi de le dire, vous ne me quitterez point dans l’humeur où vous êtes. Je vous suivrai, dans quelque lieu que vous alliez. Si Miss Howe était de mes amis, vous ne m’auriez pas traité si mal. Je vois clairement d’où viennent tous mes obstacles. J’observe, depuis long-temps, que chaque lettre que vous recevez d’elle, altère pour moi votre conduite et vos sentimens. Elle voudrait apparemment que vous me traitassiez comme elle traite son Hickman. Mais il ne convient, ni à votre admirable caractère de tenter ce traitement, ni à moi de le recevoir ". Ce reproche a paru l’embarrasser. Elle n’était pas bien aise, m’a-t-elle répondu d’abord, d’entendre mal parler de Miss Howe. Ensuite se remettant un peu, elle m’a dit que Miss Howe était amie de la vertu et des hommes vertueux ; et que, si elle n’était pas des miennes, c’est qu’ apparemment je n’étais pas de ce nombre. " oui, madame ; et c’est apparemment la même raison qui lui fait traiter M Hickman, comme il est sûr qu’elle ne traiterait pas un Lovelace. De tant de lettres que vous avez reçues d’elle, je vous défie, madame, de me montrer une de celles où elle vous parle de moi ". Où cette idée doit-elle nous conduire ? A-t-elle répliqué. Miss Howe est juste. Miss Howe est bonne. Elle écrit, elle parle de chacun, comme chacun le mérite. Si vous pouvez me nommer une seule occasion dans laquelle vous ayez marqué de la bonté, de la justice, ou même de la générosité, je chercherai celle de ses lettres qui a rapport à cette occasion, supposé que j’aie pris soin de l’en informer ; et j’engage ma parole que cette lettre vous sera favorable. Maudite sévérité ! Ne trouves-tu pas même une sorte de grossiéreté, Belford, à mettre un honnête homme dans le cas de jeter les yeux derrière lui, pour se rappeler le souvenir de ses bonnes actions ? Elle s’est efforcée de me quitter. Je veux sortir, m’a-t-elle dit ; je le veux absolument. Vous ne me retiendrez pas malgré moi. " en vérité, madame, vous ne devez pas penser à sortir, dans l’humeur où vous êtes ". Je me suis placé entr’elle et la porte. Alors elle s’est jetée sur une chaise, le visage enflammé, et se servant de son éventail avec beaucoup d’action. Je me suis mis à ses pieds. Retirez-vous, m’a-t-elle dit, avec un mouvement de rebut, de la main dont elle tenait son éventail ouvert. Pour votre propre intérêt, laissez-moi ! Et me repoussant des deux mains : " apprends, homme, que mon ame est au-dessus de toi. Ne me presse pas de te dire avec quelle sincérité je crois mon ame supérieure à toi. Tu as un cœur fier, dur, impitoyable. Mais ta fierté m’en impose peu. Laisse-moi, laisse-moi pour jamais ". Malgré la rigueur de ce langage, ses regards, son air, le son de sa voix, étoient d’une merveilleuse noblesse. " j’adore un ange ! Me suis-je écrié en penchant la tête vers ses genoux. Ce n’est point une femme, c’est un ange que j’admire et que j’adore ! Pardon, divine Clarisse ! Si vous êtes de l’espèce humaine, pardonnez mes inadvertances ; pardonnez mes inégalités ; pardonnez l’infirmité de la nature ! Qui sera jamais égal à ma Clarisse " ? Je tremblais d’admiration et d’amour. Dans le transport de ces deux