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vengeance. Tous les furieux extraits des lettres de Miss Howe n’ont pas manqué de me revenir à l’esprit. Je prendrai une tasse de thé, m’a-t-elle répondu. Elle a mis son éventail et ses gants sur la fenêtre. J’étais parfaitement déconcerté. J’ai toussé, j’ai hésité. J’ai ouvert plusieurs fois la bouche pour parler, sans avoir la force de prononcer une parole. Qui de nous deux est le modeste, disais-je en moi-même. De quel côté est à présent l’insolence ? Combien la tyrannie d’une femme est capable de confondre un homme timide ! J’ai pensé qu’elle faisait le rôle de Miss Howe, et moi celui d’Hickman. La force de parler me reviendra, ai-je continué en moi-même. Elle a pris sa tasse. Moi, la mienne. Elle, en tenant les yeux fixés sur sa liqueur, comme une souveraine altière, impérieuse, qui sent sa dignité, et dont chaque regard est une faveur : moi, comme son vassal, les lèvres et les mains tremblantes, sentant à peine ce que je tenais et ce que portais à ma bouche. " j’avais… j’avais… (ai-je commencé en goûtant au thé, quoique si chaud qu’il me brûlait les lèvres) j’avais quelque espérance, madame… ". Dorcas est revenue. Eh bien, Dorcas ! Lui a-t-elle dit, m’appelle-t-on des porteurs ? Maudite impertinence, ai-je pensé. Est-ce ainsi qu’on interrompt les gens ? Il a fallu nécessairement attendre la réponse de la servante à la question de l’insolente maîtresse. Will vient de partir, madame, a répondu Dorcas. Il m’en a coûté une minute de silence, avant que j’aie pu reprendre mon discours. Enfin, j’ai recommencé. " j’avais quelque espérance, quelque espérance, madame, d’être admis un peu plus matin… ". Quel temps fait-il, Dorcas ? A-t-elle demandé à sa servante, sans faire plus d’attention à moi que si je n’eusse pas été présent. Un temps incertain, madame. Le soleil s’est caché, quoiqu’il fît très-beau il n’y a qu’une demi-heure. Ma foi, la patience m’a manqué. Je me suis levé brusquement. La tasse, la soucoupe ont volé en l’air. " au diable le tems, le soleil, et la ridicule servante, ai-je dit, qui a l’audace de m’interrompre, lorsque je parle à sa maîtresse, et que j’en ai si rarement l’occasion " ! La belle s’est levée aussi, d’un air effrayé. Elle s’est hâtée de reprendre ses gants et son éventail. J’ai saisi sa main. " vous n’aurez pas la cruauté de sortir, madame ! Non, vous n’aurez pas cette cruauté ". Je sortirai, monsieur. Vos imprécations contre cette fille peuvent continuer dans mon absence, comme si j’étais présente, à moins… à moins que ce que vous lui avez adressé ne me regarde moi-même. " très-chère Clarisse ! Vous ne sortirez point. Non, non, vous n’aurez point la cruauté de me quitter. Un dédain si marqué ! Un mépris de cette force ! Des questions redoublées à votre servante, dans la seule vue de m’interrompre ! Qui pourrait le supporter " ? Ne me retenez pas, m’a-t-elle dit, en se débattant pour m’arracher sa main. Je ne veux pas être forcée. Vos méthodes me déplaisent beaucoup. Vous cherchâtes hier à me quereller, sans que j’en puisse imaginer d’autre raison que l’excès