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cette fille est un ange. Cependant, si l’on n’avait pas été sûr que c’est une femme, on ne lui aurait pas fait prendre l’habit de ce sexe depuis son enfance. Elle-même, sans cette conviction, aurait-elle continué de le porter ? " de grâce, chère miss, je vous demande, je vous prie de m’apprendre ce que j’ai fait pour mériter votre colere. Je vous demande aussi, M Lovelace, pourquoi j’ai si peu de liberté dans ma retraite. Qu’avez-vous à me dire depuis hier au soir, que j’allai avec vous à la comédie, et que je passai, malgré moi, une partie de la nuit à vous entendre ? J’ai à dire, madame, que je ne puis supporter la distance où vous me tenez, sous le même toit. J’ai mille choses à dire sur nos intérêts présens et futurs. Mais lorsque je pense à vous ouvrir toute mon ame, vous ne pensez qu’à m’écarter de vous. Vous me jetez dans des incertitudes qui me désolent : vous cherchez des délais, il faut que vous ayez des vues dont vous ne voulez pas convenir. Dites-moi, au nom de dieu, je vous conjure de me dire à ce moment, sans détour et sans réserve, dans quel jour je dois paroître à l’avenir devant vous. Je ne puis soutenir cet éloignement : l’incertitude où vous me tenez m’est absolument insupportable. " " dans quel jour, M Lovelace ? J’espère que ce ne sera pas dans un mauvais jour. Je vous prie, monsieur, de ne me pas tant serrer les mains (en s’efforçant de les retirer des miennes). Ayez la bonté de me laisser libre. Vous me haïssez, madame. Je ne hais personne, monsieur. Vous me haïssez, oui, vous, ai-je répeté. " tout animé, tout déterminé que j’étais venu, j’avais besoin de quelque nouvel aiguillon. Satan sortait de mon cœur, à la vue d’un ange ennemi ; mais il avait laissé la porte ouverte, et je sentais qu’il n’était pas loin. " vous ne me paroissez pas bien disposé, M Lovelace. Je vois une agitation extraordinaire dans vos yeux. Mais, de grâce, point d’emportement. Je ne vous ai fait aucun mal. Faites-moi la grâce de ne pas vous emporter. Cher objet de mes transports ! (en passant le bras autour d’elle, et tenant le sien de l’autre main) vous ne m’avez fait aucun mal ! Ah ! Quel mal ne m’avez-vous pas fait ? Par où ai-je mérité l’éloignement où vous me tenez ?… " je ne savais ce que je devais dire. Elle s’efforçait de se dégager. " je vous supplie, M Lovelace, de me laisser sortir. Je ne comprends point ce qui vous agite. Je n’ai rien fait qui puisse vous offenser. Vous n’êtes venu apparemment que dans le dessein de me quereller. Si vous ne voulez pas m’effrayer par la mauvaise humeur où je vous vois, laissez-moi sortir. J’entendrai une autrefois tout ce que vous avez à me dire. Je vous ferai avertir demain au matin. Mais, en vérité, vous m’effrayez. Je vous conjure, si vous avez pour moi quelque sentiment d’estime, de permettre que je sorte. " la nuit, la nuit, Belford, est absolument nécessaire. Il faut que la surprise, la terreur, fassent leur rôle dans la dernière épreuve. Je n’ai pu