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Elles me pressent plus que jamais d’achever ma victoire. Je suis tenté de leur abandonner Miss Howe en pleine propriété. Tu n’as qu’un mot à dire, Belford, et je te promets que l’effet suivra la menace. elle est bien aise que Miss Harlove ait pensé à me prendre au mot. Elle s’étonne que je ne lui aie pas renouvelé mes offres. Si je ne le fais pas bientôt, elle lui conseille de ne pas demeurer avec moi . Elle l’exhorte à me tenir dans l’éloignement, à ne pas souffrir la moindre familiarité . Vois, Belford, me suis-je trompé ? La vigilance qui me fait enrager, vient d’une froide amie, qui est assise tranquillement pour écrire, et qui donne fort à son aise un conseil qu’elle serait incapable de suivre dans le même cas. Elle lui dit que c’est mon intérêt d’être honnête . Mon intérêt ! Petites folles ; j’avais cru ces deux filles persuadées que mon intérêt est toujours subordonné à mes plaisirs. Que ne donnerais-je pas pour obtenir une copie des lettres auxquelles Miss Howe répond par les siennes. La seconde est du 3 de mai. Dans celle-ci, la petite effrontée s’étonne beaucoup que sa mère ait écrit à Miss Harlove, pour lui interdire toute correspondance avec sa fille. M Hickman, dit-elle, est d’avis qu’elle ne doit point obéir à sa mère . Que ce plat visage est rampant entre deux filles ! Je crains d’être obligé de le punir, aussi bien que sa virago ; et j’ai déjà trouvé, dans ma tête, un plan qui ne demande qu’une heure de méditation pour recevoir sa dernière forme. Je ne puis souffrir que l’autorité maternelle soit ainsi méprisée, ainsi foulée aux pieds. Mais écoute l’impertinente : il est heureux pour lui de penser si bien ; car sa mère l’ayant mise en mauvaise humeur, elle a besoin de quelqu’un qu’elle puisse quereller . Un Lovelace s’en permettrait-il davantage ? Cette fille est un libertin déterminé au fond du cœur. Si la nature en avait fait un homme, ne doute pas qu’elle n’eût été pire que nous. Elle n’a pas besoin, dit-elle, qu’on l’irrite beaucoup plus, pour lui faire prendre le parti de s’enfuir secrètement à Londres ; et, dans cette supposition, elle ne quittera point son amie, qu’elle ne l’ait vue honorablement mariée, ou quitte de son misérable. Ici, Belford, Sally a joint une prière en transcrivant : " au nom de dieu, cher M Lovelace, amenez-nous cette furie à Londres ". Je t’assure, cher ami, que son sort serait plutôt décidé que celui de son amie. Je trouve, dans la même lettre, que ma belle captive a fait ton portrait et celui de nos amis. Je ne suis pas plus épargné. cet homme est un fou, dit-on de moi. Que je meure, si l’une et l’autre me trouvent tel. c’est du moins un franc imbécille. maudite et méprisable créature ! je vois, ajoute-t-elle, que c’est une race infernale ; voilà pour toi, Belford, et qu’il est le Belzébuth ; voilà pour toi, Lovelace. C’est à ce Belzébuth, néanmoins, qu’elle voudrait voir son amie mariée. Qu’avons-nous donc fait aux yeux de Miss Harlove, pour mériter qu’elle ait tracé de nous une peinture qui nous attire ce traitement de Miss Howe ? Mais c’est sur quoi je remets à délibérer. Elle blâme son amie d’avoir refusé de partager son lit avec Miss Partington. vigilante comme vous êtes, qu’en pouvait-il arriver ? S’il pensait à la violence, il n’attendrait pas le temps de la nuit. Sally écrit en forme de note : " voyez, voyez, monsieur, ce qu’on attend de vous.