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de la chambre de sa maîtresse, aussi bien que le passe-par-tout de l’armoire d’ébène, du cabinet, et de tous les tiroirs, a trouvé le moyen de parvenir aux dernières lettres de Miss Howe. La vigilante soubrette avait remarqué que sa maîtresse en avait tiré une de son sein, et qu’elle l’avait jointe aux autres, avant que de partir avec moi pour la comédie, dans la crainte apparemment, comme les femmes d’en-bas me l’ont reproché, que je ne la trouvasse sous son mouchoir de cou. Dorcas ne s’est pas plutôt vue en possession du trésor, qu’elle a appelé Sally, et trois autres filles qui ne paroissent point ; elles se sont employées ensemble, avec la dernière diligence, à transcrire ces maudites lettres, suivant la méthode que je leur avais tracée. Je puis bien les nommer maudites : ce sont des injures, une malignité ! Quelle petite furie que cette Miss Howe ! Je ne m’étonne plus que son impertinente amie, qui ne m’a pas mieux traité sans doute, puisqu’elle doit avoir donné occasion aux libertés de l’autre, ait marqué tant d’emportement, lorsque j’ai tenté de me saisir d’une de ces lettres. Aussi me paroissait-il impossible que la belle, dans cette fleur de jeunesse, avec une si bonne constitution, une santé si ferme, et tant de feu dans les yeux, pût trouver en elle-même ce fond de vigilance et de crainte qui ne l’abandonne jamais. Des yeux brillans, Belford, malgré tout le bien que les poëtes en peuvent dire, sont le signe infaillible d’un cœur fripon, ou qui peut le devenir. Tu peux continuer tes prédications, et Milord M n’est pas moins libre de déployer sa sagesse en proverbes ; mais compte que je suis plus sûr d’elle que jamais. à présent que ma vengeance est excitée, et se joint dans mon cœur à l’amour, il faut que toute résistance fléchisse. Je te jure solemnellement que Miss Howe portera la peine de sa trahison. On apporte à ce moment une autre lettre de ce virulent petit démon. J’espère qu’elle sera bientôt transcrite aussi, du moins si l’on prend le parti de la joindre au recueil. L’impertinente déesse est résolue d’aller ce matin à l’église ; moins, comme j’ai raison de le croire, par esprit de dévotion, que pour essayer si elle peut sortir sans opposition ou sans plainte, ou sans être accompagnée de moi. Elle m’a refusé l’honneur de déjeûner avec elle. Il est vrai qu’hier au soir elle fut un peu mécontente de ce qu’à notre retour de la comédie, je l’obligeai de passer le reste de la soirée dans le parloir commun, et de demeurer avec nous jusqu’après minuit. En se retirant, elle me déclara qu’elle comptait d’être libre tout le jour suivant. Comme je n’avais pas encore lu les extraits, je ne témoignai que du respect et de la soumission ; car je m’étais déterminé à commencer, s’il était possible, une nouvelle méthode, et à bannir de son cœur toutes sortes de soupçons et de jalousies. Cependant je n’avais pas trop de sujet d’être alarmé de ses soupçons passés. Lorsqu’une femme, qui peut ou qui croit pouvoir quitter un homme qu’elle soupçonne, continue de demeurer avec lui, je suis sûr, Belford, que ce n’est pas un mauvais signe. Elle est partie. Elle s’est glissée avant que j’aie pu m’en défier. C’est une chaise à porteurs qu’elle s’était fait amener, dans la vue de m’ ôter le pouvoir de l’accompagner. Mais j’avais pris des précautions convenables. Will,mon valet de chambre, l’a suivie de son consentement ; et Peter, domestique de la maison, était à portée de recevoir les ordres de Willy.