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tragédie des plus touchantes, ne fût-ce que pour lui apprendre qu’il y a de plus grandes disgrâces et des douleurs plus profondes qu’elle ne se l’est peut-être jamais imaginé. Conviens que notre bonheur est extrême : j’espère que nous ne trouverons pas dans notre chemin quelqu’un de ces génies sinistres, qui se plaisent à troubler la joie des pauvres mortels. Lovelace. Miss Clarisse, dans une lettre du vendredi 19 de mai, apprend à son amie, que sa perspective est encore une fois changée avec avantage, et que depuis sa dernière lettre, elle a connu vingt-quatre heures assez heureuses, du moins en les comparant à sa situation. " que je compose volontiers, dit-elle, pour les moindres apparences de bonheur ! Que je suis facilement disposée à tourner vers moi le côté flatteur des évènemens, et à me repaître de toutes sortes d’espérances ; et cela, non-seulement pour mon propre intérêt, mais aussi pour l’amour de vous, qui entrez si généreusement dans tout ce qui m’arrive d’agréable ou de fâcheux. " elle lui fait ici le détail de la conversation qu’elle a trouvé le moyen d’entendre, entre M Lovelace, Madame Sinclair et Miss Martin ; mais elle explique, avec plus d’étendue, l’occasion qu’elle a eue de prêter l’oreille à leurs discours, dans la persuasion qu’ils n’ont pu se défier d’être écoutés. Elle apporte les raisons qui lui ont fait trouver du plaisir à les entendre ; et quoiqu’elle soit choquée du projet hardi qu’il a formé, s’il la perd de vue un seul jour, elle se réjouit qu’il soit résolu d’éviter la violence, s’il se rencontre dans la ville, avec son frère. Elle s’est crue obligée, dit-elle, par ce qui s’est passé mercredi, et par ce qu’elle a eu le bonheur d’entendre, de lui promettre d’aller à la comédie, sur-tout lorsqu’il a eu la discrétion de lui proposer une des nièces pour l’accompagner. Elle paraît charmée qu’il ait écrit à Milord M. Elle lui a promis de s’expliquer sur les articles, aussi-tôt qu’elle aura reçu des nouvelles de son amie. Enfin, l’avenir, ajoute-t-elle, commence à lui offrir des apparences assez favorables, comparées, du moins, aux nouveaux dangers dont elle s’est crue menacée depuis son naufrage. Cependant elle est bien aise que son amie s’occupe de quelque plan qui puisse assurer son repos par d’autres voies. Elle regarde M Lovelace comme un esprit dangereux ; et la prudence l’oblige, par conséquent, de veiller sans cesse, et de s’armer contre le mal possible. Elle se croit sûre que ses lettres et celles de son amie, sont parfaitement à couvert. Elle ne doute pas non plus qu’elle ne soit libre de sortir et de rentrer ; mais M Lovelace est si assidu près d’elle, qu’elle n’a pas le temps de mettre cette liberté à l’épreuve. Elle le ferait plus souvent néanmoins, s’il arrivait quelqu’occasion d’en douter, et si les desseins de son frère et du capitaine Singleton lui causaient moins de frayeur.



Miss Howe, à Miss Clarisse Harlove.

samedi, 20 de mai. Je ne savais pas, ma chère, que pour répondre aux articles de M Lovelace, vous attendissiez mon avis. Comme je serais fâchée que cette