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un peu plus de déférence pour votre mère lorsqu’elle vous parle.

Pardon, madame ; et de grâce, un peu de patience, dans une occasion si extraordinaire. S’il y avait moins de chaleur dans mes discours, on supposerait que je n’ai que des objections de jeune fille, contre un homme qui me sera toujours insupportable.

Clarisse Harlove !

Chère, chère madame, permettez que je m’explique, cette fois seulement. Il est dur, extrêmement dur, de n’avoir pas la liberté d’entrer dans la cause commune, parce que je ne dois pas parler sans ménagement d’une personne qui me regarde comme un obstacle à son ambition, et qui me traite en esclave ?

Où vous égarez-vous, Clary ?

Ma très-chère mère, le devoir ne me permet pas de supposer mon père assez arbitraire pour m’autoriser jamais à faire valoir cette raison auprès de vous.

Quoi donc ? Clary… ô jeune fille ! Un peu de patience, ma très-chère mère ; vous avez promis de m’entendre avec patience. La figure n’est rien dans un homme, parce qu’on me suppose de la raison. Ainsi je serai dégoutée par les yeux, et je ne serai pas convaincue par la raison.

ô jeune, jeune fille !

Ainsi les bonnes qualités qu’on m’attribue feront ma punition, et je deviendrai la femme d’un monstre… vous m’étonnez, Clary ! Est-ce vous qui tenez ce langage ?

Cet homme, madame, est un monstre à mes yeux, ame et figure. Et pour motif de souffrir ce traitement, on m’allegue que je suis indifférente pour tous les autres hommes ! Dans d’autres tems néanmoins, et dans d’autres vues, on m’a cru de la prévention en faveur d’un homme contre les mœurs duquel il y a de justes objections. Je me trouve confinée, comme si l’on appréhendait de la plus imprudente de toutes les créatures, qu’elle ne prît la fuite avec cet homme, et qu’elle ne couvrît sa famille de honte. ô ma très-chère mère ! Quelle patience serait à l’épreuve d’un tel traitement ? à présent, Clary, je suppose que vous m’accorderez la liberté de parler. Il me semble que je vous ai entendue avec assez de patience. Si j’avais pu croire… mais je vais tout réduire sous un point de vue fort court. Votre mère, Clarisse, vous donne un exemple de cette patience que vous lui demandez si hardiment, sans en avoir beaucoup pour elle.

ô ma chère ! Que cette condescendance de ma mère m’a pénétrée dans ce moment ! Plus mille fois que je ne l’aurais été de sa rigueur. Mais elle faisait sans doute attention qu’elle s’était chargée d’un office bien dur, d’un office, j’ose le dire, dont sa propre raison était blessée ; sans quoi, elle n’aurait pas voulu, elle n’aurait jamais pu pousser si loin la patience.

Je dois donc vous dire, a-t-elle continué, en aussi peu de mots que votre père le croit nécessaire, à quoi se réduit toute la question. Vous avez été jusqu’à présent, comme vous savez fort bien le faire valoir, une fille très-respectueuse. Mais quelle raison auriez-vous eue de ne pas l’être ? Jamais enfant n’a été traité avec plus de faveur. Aujourd’hui vous avez le choix, ou de décréditer toutes vos actions passées ; ou, lorsqu’on vous demande la plus grande preuve de ce respect (ayant le cœur libre,