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liberté. Si vous n’avez pas un besoin pressant de Robert, vous me ferez plaisir de me l’envoyer tous les jours, au risque de ne rien trouver de prêt. Mais je serais bien aise qu’il ne vînt jamais les mains vides. Quelle serait votre générosité de m’écrire aussi souvent par le mouvement de l’amitié, que j’y suis forcée par l’infortune ! Lorsque mes lettres ne se trouveront plus au dépôt, je serai sûre qu’elles seront entre vos mains. Comme je profiterai, pour vous écrire, de divers momens que je ne puis prévoir, trouvez bon que je supprime toutes les formalités.




Miss Clarisse Harlove, à Miss Howe.

Ma mère, à son retour, qui a suivi immédiatement le dîner, a eu la bonté de me dire qu’au milieu des questions de mon père sur ma soumission volontaire, (car il me semble que le doute ne tombe que sur la manière) elle a trouvé le moyen de lui insinuer que, dans un point si essentiel, elle aurait souhaité de laisser à une fille qu’elle a tant de raison d’aimer (ce sont ses obligeantes expressions) la liberté de déclarer tout ce qu’elle a dans le cœur, afin que son obéissance en soit plus libre. Elle lui a fait entendre aussi que, lorsqu’il est monté à ma chambre, elle écoutait mes raisons, et qu’elle croyait avoir découvert que je prendrais plus volontiers le parti de renoncer au mariage.

Elle m’a dit que mon père avait répondu d’un ton irrité : qu’elle se garde bien de me donner sujet de soupçonner ici quelque préférence. Mais si c’est seulement pour soulager son cœur, sans s’opposer à mes volontés, vous pouvez l’écouter. Ainsi, Clarisse, a repris ma mère, je suis revenue dans cette disposition ; si vous ne recommencez pas à m’apprendre par votre obstination, comment je dois vous traiter.

En vérité, madame, vous avez rendu justice à mes sentimens, lorsque vous avez dit que je n’ai aucune inclination pour le mariage ; je me flatte de n’avoir pas été assez inutile dans la maison de mon père pour faire souhaiter… laissons votre mérite à part, Clary ; vous avez rempli le devoir d’une bonne fille. Vous m’avez soulagée dans mes soins domestiques ; mais ne m’en causez pas à présent plus que vous ne m’en avez épargné. Vous avez trouvé une abondante récompense dans la réputation d’habileté et d’intelligence que cette conduite vous a procurée. Mais tous les secours qu’on a reçus de vous, touchent maintenant à leur fin. Si vous vous mariez, cette fin sera naturelle, et désirable même, si vous vous mariez pour faire plaisir à votre famille, parce que vous en aurez vous-même une, où vos talens pourront s’employer. Si les choses tournent autrement, il n’y aura pas moins une fin ; mais qui ne sera pas naturelle. Vous m’entendez, ma fille.

Je me suis mise à pleurer.

J’ai déjà fait chercher une femme de charge pour cette maison : votre bonne Norton me conviendrait beaucoup. Mais je suppose que vous avez jeté les yeux sur cette digne femme : si vous le désirez, on en conviendra dans les articles.

Mais pourquoi, très-chère madame, pourquoi me précipiter dans