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comme les ordres humilians que j’ai reçus ne m’apprennent que trop qu’elles l’ont été.

Au moment que je finissais, mon père est entré dans ma chambre, avec un air de sévérité, qui m’a fait trembler. Il a fait deux ou trois tours, et s’est adressé ensuite à ma mère, qui était demeurée en silence à sa vue : ma chère, vous vous arrêtez bien long-temps. Le dîner est prêt. Ce que vous avez à dire ne demande pas beaucoup d’explication. Il suffit assurément de déclarer votre volonté et la mienne ; mais peut-être vous entreteniez-vous des préparatifs. Il est temps de descendre… avec votre fille, si elle est digne de ce nom.

Il est descendu lui-même, en jetant sur moi un regard si terrible, que je me suis sentie incapable de lui dire une parole, et de parler même de quelques minutes à ma mère.

Cela n’est-il pas bien effrayant, ma chère ? Ma consternation a paru toucher ma mère. Elle m’a nommée sa chère fille ; elle m’a embrassée, en me disant que mon père ne savait pas que j’eusse continué mes oppositions. Il nous a fourni une excuse, a-t-elle ajouté, pour avoir tardé si long-temps. Allons, Clary, on va servir.

Descendrons-nous ensemble ? Elle m’a prise par la main.

Son action m’a fait tressaillir. Descendre, madame ! Quoi ! Pour faire supposer que nous nous sommes entretenues des préparatifs ? ô ma chère mère ! Ne m’ordonnez pas de descendre, sur une telle supposition.

Vous devez voir, ma fille, que, nous arrêter plus long-temps ensemble, c’est avouer que nous sommes en débat sur votre devoir. Le souffrira-t-on ? Votre père ne vous a-t-il pas dit lui-même qu’il veut être obéi ? J’aime mieux vous laisser à vous-même pour la troisième fois. Je chercherai quelque moyen de vous excuser. Je dirai que vous ne seriez pas bien aise de descendre pour dîner ; que votre modestie, dans une occasion… ô madame ! Ne parlez pas de ma modestie dans cette occasion ; ce serait donner des espérances… est-il donc vrai que vous n’en vouliez donner aucune ? Fille perverse ! Et se levant pour sortir, prenez plus de temps pour faire vos réflexions. Puisque c’est une nécessité, prenez plus de tems. Et lorsque je vous reverrai, apprenez-moi à quel reproche je dois m’attendre de la part de votre père, pour l’excès de mon indulgence.

Cependant elle s’est arrêtée un moment à la porte, comme pour attendre que je la suppliasse du moins de donner une explication favorable à mon absence ; car, paroissant hésiter, je suppose, m’a-t-elle dit, que vous ne voudriez pas que mon rapport… ô madame ! Ai-je interrompu ; y a-t-il quelqu’un dont la faveur puisse me toucher, si je perds celle de ma mère ?

Vous comprenez bien, ma chère amie, que désirer un rapport favorable, c’était passer condamnation sur un point trop décidé dans mes résolutions, pour laisser croire à mes amis qu’il me reste la moindre incertitude. Ma mère a pris le parti de descendre.

Je vais envoyer au dépôt tout ce que je viens d’écrire ; et, sûre comme je suis, que vous ne vous ennuierez pas du détail, dans des circonstances si intéressantes pour l’honneur de votre amie, je continuerai de suivre la même méthode. Au milieu de mes embarras, je ne dois pas souhaiter de garder long-temps des écrits dans lesquels je m’explique avec tant de