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jetée à genoux, les bras levés et les mains étendues) : je ne suis pas préparée à vos plaintes irrésistibles : (c’est le mot qu’elle a bien voulu employer) je vous donne le tems de vous recueillir, et je vous recommande de ne pas rendre inutile cette effusion d’une tendresse véritablement maternelle.

Elle est passée aussi-tôt dans une autre chambre en essuyant ses larmes. J’étais noyée dans les miennes, et les douloureux mouvemens de mon cœur répondaient à tout ce qu’elle m’avait fait pressentir.

Elle est revenue, après avoir repris plus de fermeté. J’étais encore à genoux, le visage collé sur la chaise où elle avait été assise. Regardez-moi, chère Clarisse : je me flatte de ne pas vous trouver de l’humeur. Non, ma très-chère et très-honorée mère, non… je me suis levée pour continuer, et j’ai plié un genou devant elle. Mais elle m’a relevée aussi-tôt, en m’interrompant, il n’est pas question de cette posture, il faut obéir : c’est le cœur, et non pas les genoux, qu’il faut fléchir, l’affaire est absolument décidée : préparez-vous par conséquent à recevoir la visite de votre père comme il doit souhaiter qu’elle soit reçue : songez que d’un seul quart d’heure dépend le repos de ma vie, la satisfaction de toute une famille, et votre propre sûreté de la part d’un homme violent. Enfin, je vous ordonne, autant que vous respectez ma bénédiction, de penser à devenir Madame Solmes.

C’était m’enfoncer le poignard au fond du cœur : je suis tombée sans connaissance, et lorsque je suis revenue à moi, je me suis trouvée dans les bras de nos femmes, mes lacets coupés, et mon linge infecté d’odeurs fortes. Ma mère s’était retirée. Il est certain que, si j’avais été traitée avec moins de douceur, et si l’odieux nom avait été épargné à mes oreilles, ou présenté du moins avec un peu plus de préparation et de réserve, j’aurais pu soutenir ce nom horrible avec moins d’émotion. Mais entendre de la bouche d’une mère si chère et si respectée, que je dois penser à devenir Madame Solmes, ou renoncer à sa bénédiction, quel moyen d’y résister ? Chorey est venue avec un autre message, qu’elle m’a déclaré de l’air grave que vous lui connaissez : votre maman, miss, est fort inquiéte de l’accident qui vous est arrivé : elle vous attend dans une heure, et elle m’ordonne de vous dire qu’elle espère tout de votre soumission. Je n’ai fait aucune réponse : qu’aurais-je pu dire ? Et m’appuyant sur le bras d’Hannah, je suis remontée dans mon appartement. Là, vous pouvez vous imaginer comment la plus grande partie de l’heure a été employée.

Dans l’intervalle, ma mère est montée chez moi. Je prends plaisir, a-t-elle eu la bonté de dire en entrant, à venir dans cet appartement. Point d’émotion, Clary, point d’inquiétude : ne suis-je pas votre mère ? Une mère tendre et indulgente ? Ne m’affligez point, en vous affligeant vous-même : ne cherchez point à me causer du chagrin, lorsque je voudrais ne vous procurer que du plaisir. Venez, ma chère ; voulez-vous passer dans votre cabinet de livres ? Elle m’a prise par la main, et m’a fait asseoir près d’elle. Après s’être informée de ma santé, elle s’est mise à me parler, comme dans la supposition que j’avais fait usage du temps qu’elle m’avait laissé pour surmonter toutes mes objections. Elle m’a dit que, pour épargner ma modestie naturelle, mon père et elle s’étoient chargés de tout ce qui regardait les arrangemens. écoutez moi, a-t-elle interrompu lorsque j’allois