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Quelle autre espérance, si les malédictions des parens ont le poids que je leur ai toujours attribué, et que tant d’exemples m’apprennent qu’elles ont eu dans tous les temps ! Oui, ma chère miss Howe, pour mettre le comble à toutes mes afflictions, j’ai à lutter désormais contre les malheureux effets de la malédiction d’un père ! Comment aurai-je la force de soutenir cette réflexion ? Mes terreurs ne sont-elles pas trop justifiées par les circonstances de ma situation ? J’ai reçu enfin une réponse de mon impitoyable sœur. Ah ! Pourquoi me la suis-je attirée par ma seconde lettre à ma tante ? Il semble qu’on l’ait tenue prête pour ce signal. La foudre dormait, jusqu’au moment où je l’ai réveillée. Je vous envoie la lettre même. Il m’est impossible de la transcrire. L’idée m’en est insupportable. Terrible idée ! La malédiction s’étend jusqu’à l’autre vie. Je suis dans le trouble et l’abattement des plus noires vapeurs. Je n’ai que la force de répéter : évitez, fuyez, rompez toute correspondance avec le malheureux objet des imprécations d’un père.



Miss Arabelle Harlove à Miss Clarisse.

vendredi, 21 avril. Nous avions prévu qu’il nous reviendrait quelqu’un de votre part : nous, c’est-à-dire ma tante et moi ; et la lettre que je joins à celle-ci attendait l’arrivée de votre messager. Vous n’aurez aucune réponse de personne, quelles que soient vos importunités, à qui qu’elles puissent s’adresser, et quelque demande que vous puissiez faire. On avait pensé d’abord à vous ramener par une autorité convenable, ou à vous faire transporter dans des lieux où l’on pouvait espérer que la honte dont vous nous avez tous couverts, serait ensévelie quelque jour avec nous. Mais je crois qu’on abandonne ce dessein. Ainsi vous pouvez marcher en sûreté. Personne ne vous croit digne de lui causer le moindre embarras. Cependant ma mère a obtenu la permission de vous envoyer tous vos habits, mais vos habits seulement. C’est une faveur, comme vous verrez dans la lettre que vous allez lire, qu’on n’était pas disposé d’abord à vous accorder, et sur laquelle on ne se relâche point par considération pour vous, mais uniquement parce que ma triste mère ne peut avoir sous ses yeux rien qui vous ait appartenu. Lisez et tremblez. Arabelle Harlove. à la plus ingrate et la plus rebelle de toutes les filles.

au château d’Harlove, samedi 15 avril. Vous qui avez été ma sœur (car je ne sais plus quel nom il est permis de vous donner, ni quel nom vous osez prendre) apprenez donc, puisque vous désirez d’être éclaircie, que vous avez rempli toute votre famille d’horreur. Mon père, dans ses premières agitations, en recevant la nouvelle de votre honteuse fuite, a prononcé à deux genoux une malédiction terrible. Votre sang doit se glacer à cette lecture. Il a demandé au ciel " que, dans cette vie et dans l’autre, vous puissiez trouver votre punition, par le misérable même en qui vous avez jugé à propos de mettre votre criminelle confiance ". Vos habits ne vous seront point