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t-il vous traiter mieux qu’il n’a fait toutes les femmes sur lesquelles il a eu quelque pouvoir ! Ainsi soit-il ! Point de réponse, je vous en supplie. Je me flatte que votre messager ne publiera point que je vous écris. Pour M Lovelace, je suis bien sûre que vous ne lui communiquerez pas ma lettre. Je ne me suis pas trop observée, parce que je compte sur votre prudence. Vous avez mes prières. Ma fille ignore que je vous écris. Personne ne le sait, sans en excepter M Hervey. Ma fille aurait souhaité plusieurs fois de vous écrire ; mais, ayant défendu votre faute avec tant de chaleur et de partialité, que nous en avons conçu des alarmes (c’est l’effet, ma chère, qu’une chute telle que la vôtre doit produire sur des parens), on lui a interdit tout commerce avec vous, sous peine d’être privée pour jamais de nos bonnes grâces. Je puis vous dire néanmoins, quoique sans sa participation, que vous faites le sujet continuel de ses prières, comme de celles de votre tante très-affligée, D Hervey.



Miss Clarisse Harlove à Miss Howe.

samedi matin, 22 avril. Je reçois à l’instant cette réponse de ma tante. Gardez le secret, ma chère, sur la bonté qu’elle a eue d’écrire à sa malheureuse nièce. Vous voyez que je puis aller à Londres, ou dans tout autre lieu. On s’embarrasse peu de ce que je puis devenir. J’avais été portée à suspendre mon voyage, par l’espérance de recevoir des nouvelles du château d’Harlove. Il me semblait que, si l’on n’avait pas marqué d’éloignement pour une réconciliation, j’aurais pu faire connaître à M Lovelace que, pour être quelque jour à lui, je voulais être maîtresse des conditions. Mais je m’aperçois que je suis entraînée par un sort inévitable, et qui m’exposera peut-être à des mortifications encore plus cuisantes. Faut-il que je me voie l’esclave d’un homme dont je suis si peu satisfaite ? Ma lettre, comme vous voyez par celle de ma tante, est actuellement au château d’Harlove. Je tremble pour l’accueil qu’elle y aura reçu. Si quelque chose adoucit un peu mon inquiétude, c’est qu’elle aura servi à purger une tante si chère, du soupçon d’avoir entretenu quelque intelligence avec une malheureuse dont la perte est résolue. Je ne regarde pas comme une petite partie de mon infortune cette diminution de confiance que j’ai causée entre mes amis, et cette froideur avec laquelle il paraît que l’un regarde l’autre. Vous voyez que ma pauvre cousine Hervey a sujet de s’en plaindre comme sa mère. Miss Howe, ma chère Miss Howe, ne se ressent que trop des effets de ma faute, puisqu’à mon occasion elle a plus de querelles avec sa mère qu’elle n’en avait jamais eu. Cependant c’est à l’homme qui m’a jetée dans cette confusion de maux, que je suis forcée de me donner ! J’ai fait beaucoup de réflexions, je me suis formé bien des sujets de crainte avant ma faute ; mais je ne l’ai pas considérée sous toutes les faces choquantes que j’y découvre aujourd’hui. N’apprends-je pas qu’une heure avant la nouvelle de ma fuite supposée, mon père déclarait hautement que je lui étais aussi chère que sa vie ? Qu’