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j’avais réglées, et qui ne m’assujétissaient à rien, pour une faveur qu’ils auraient accordée, dans les mêmes circonstances, à toute autre personne de mon sexe ". Si je ne goûtais pas cette méthode, il se croirait fort honoré que je voulusse lui permettre de faire la même demande en son nom ; mais (avec ses restrictions ordinaires) c’était un point auquel il n’osait toucher si tôt, quoiqu’il espérât que les violences de ma famille pourraient m’amener à cette heureuse résolution. Piquée au fond du cœur, je lui ai dit qu’il m’avait proposé lui-même de me quitter en arrivant à Londres, et que je m’attendais à l’exécution de cette promesse ; que lorsqu’on ne pourrait ignorer que je serais absolument indépendante, il serait temps d’examiner ce que je devais écrire ou ce que j’aurais à faire ; mais que, tandis qu’il était autour de moi, je n’avais ni la volonté ni le pouvoir de me déterminer. Il voulait être sincère, m’a-t-il dit d’un air plus pensif. Ce projet de mon frère avait changé les circonstances. Avant que de s’éloigner de moi, il ne pouvait se dispenser de voir si la veuve de Londres et sa maison me conviendraient, en supposant que mon choix fût pour cette retraite. Qui pouvait lui répondre que ces gens-là ne fussent pas capables de se laisser corrompre par mon frère ? S’il voyait qu’il y eût quelque fond à faire sur leur honneur, il pourrait s’absenter pendant quelques jours. Mais il devait m’avouer qu’il lui serait impossible de s’éloigner plus long-temps. Quoi donc, monsieur ! Ai-je interrompu, votre dessein est-il de prendre logement dans la même maison ? Non, m’a-t-il répondu ; parce qu’il connaissait mes délicatesses, et l’usage d’ailleurs que je voulais faire de son absence. Cependant on faisait actuellement quelques réparations au logement qu’il avait à Londres. Mais il pourrait se loger dans l’appartement de son ami Belford ; ou se rendre peut-être à Edgware, qui est la maison de campagne du même ami, et revenir chaque jour au matin, jusqu’à ce qu’il eût raison de croire que mon frère eût abandonné son misérable systême. Le résultat d’une si longue conférence est de partir pour Londres lundi prochain. Puisse l’heure de mon départ être heureuse ! Je ne puis vous répéter trop souvent, ma chère amie, combien je suis pénétrée de vos bienfaits, et de cette merveilleuse générosité qui en est la source. Cl Harlove.



M Lovelace à M Belford.

vendredi, 21 avril. Ici, Belford, que diras-tu, si ton ami, comme un papillon qui cherche sa ruine autour d’un flambeau, avait failli de brûler les ailes de sa liberté ? Jamais un homme ne fut en plus grand danger d’être pris dans ses propres piéges, de voir toutes ses vues renversées, tous ses projets inutiles,