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n’a pas l’air d’un refus. N’est-il pas vrai qu’à sa place un autre homme aurait tenté ici de persuader par la douceur, plutôt que d’effrayer par des emportemens ? Mais il a plu à M Lovelace de prendre un ton que toute femme un peu délicate ne supportera jamais ; et son injurieuse chaleur m’a obligée de me tenir dans la même réserve. " eh quoi ! S’est-il écrié, vous êtes donc résolue, mademoiselle, de me faire connaître, jusqu’à la fin, que je ne dois rien attendre de votre affection, tandis qu’il vous restera le moindre espoir de renouer avec mes plus cruels ennemis, au prix de mon bonheur, qui sera sans doute votre premier sacrifice " ? Ce ton, chère Miss Howe, m’a échauffé le sang à mon tour. Cependant j’ai gardé quelques mesures. " vous avez vu, lui ai-je dit, combien j’ai été choquée de la violence de mon frère : vous vous trompez beaucoup, M Lovelace, si vous croyez m’effrayer assez par la vôtre, pour me faire embrasser un parti opposé à vos propres conventions ". Il a paru rentrer en lui-même. Il s’est réduit à me prier de souffrir que ses actions parlassent désormais pour lui ; et, si je le trouvais digne de quelque bonté, il espérait, m’a-t-il dit, qu’il ne serait pas le seul au monde à qui je refusasse un peu de justice. " vous en appelez au futur, lui ai-je répondu : j’y appelle aussi, pour la preuve d’un mérite sur lequel vous semblez passer condamnation jusqu’à présent, et qui vous manque en effet ". J’étais prête encore à me retirer : il m’a conjurée de l’entendre. Sa résolution, m’a-t-il dit, était d’éviter soigneusement toutes sortes d’accidens fâcheux, et de renoncer à toutes les mesures qui pouvaient l’y conduire, quels que fussent les procédés de mon frère, dont il n’exceptait que les violences qui regarderaient ma personne. Mais s’il en arrivait quelqu’une de cette nature, pouvais-je exiger qu’il demeurât spectateur tranquille, c’est-à-dire qu’il me vît enlever, conduire à bord par Singleton ? Et dans une si funeste extrêmité, ne lui serait-il pas permis de prendre ma défense ? prendre ma défense, M Lovelace ! Je serais donc au comble de l’infortune. Mais ne croyez-vous pas que je puisse être en sûreté à Londres ? Il me semble, sur la description qu’on vous fait de cette maison de la veuve, que j’y serais libre et en sûreté. Il est convenu que cette maison de la veuve, telle que M Doleman la représente, c’est-à-dire un édifice intérieur, derrière l’édifice de front, avec un jardin qui en fait l’unique vue, semblait promettre beaucoup de secret ; et que, d’ailleurs, si je ne l’approuvais pas lorsque je l’aurais vue, il ne serait pas difficile d’en trouver une qui me convînt mieux. Mais, puisque je lui avais demandé son conseil, il croyait que le meilleur parti était d’écrire à mon oncle Harlove, en qualité d’un de mes curateurs, et d’attendre le succès de ma lettre chez Madame Sorlings, où il fallait le prier hardiment d’adresser sa réponse. Avec les petits esprits, a-t-il ajouté, c’est encourager l’insulte que de la craindre. " la substance de la lettre devait être de demander, à titre de droit, ce qui ne manquerait pas de m’être refusé comme une grâce ; de reconnaître que je m’étais jetée sous la protection des dames de sa famille, par l’ordre desquelles et de Milord M, il paraîtrait s’employer lui-même à mon service ; mais d’ajouter que c’était à des conditions que