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pour flatter leur orgueil, leur ai-je reproché de la cruauté, au moment que j’obtenais tout d’elles ? Lorsque j’ai proposé ton appartement, pour confirmer que je n’en connaissais aucun qui lui convînt, mon unique vue était de lui donner quelque sujet d’alarme. Madame Osgood est une femme trop vertueuse, et qui serait bientôt son amie plus que la mienne. Mais je voulais lui faire prendre une haute idée de sa propre pénétration. Mon plaisir, lorsque je creuse une fosse, est d’y voir tomber ma proie d’un pied sûr et les yeux ouverts. Un homme qui regarde d’en haut, est en droit de dire alors : ho, ho, charmante ! Par quel hasard êtes-vous là ? Lundi, 17 avril. Il m’arrive, à l’instant, de nouveaux avis de mon honnête Joseph. Tu sais l’aventure de la pauvre Miss Betterton de Nottingham. James Harlove travaille à rallumer contre moi le ressentiment de cette famille. Tous les Harlove du monde n’ont rien épargné, depuis quelque tems, pour approfondir la vérité de cette histoire ; mais les insensés sont enfin résolus d’en tirer parti. Ma tête s’occupe à faire de James un esprit rusé et un joli garçon, dans la vue de faire tourner plus glorieusement toutes ses ruses à mon avantage ; car je suppose que ma belle tend à m’éloigner d’elle, aussi-tôt que nous serons à Londres. Je te communiquerai, lorsqu’il en sera tems, la lettre de Joseph et celle que je vais lui écrire. être informé à propos du mal qu’on médite, c’est assez, avec ton ami, pour le faire avorter, et retomber sur la tête de son auteur. Joseph fait encore le scrupuleux. Mais je sais qu’il ne cherche, par ses délicatesses, qu’à relever le mérite de ses services. Ah, Belford, Belford ! Quel vil amas de corruption que la nature humaine, dans le pauvre comme dans le riche !



Miss Howe à Miss Clarisse Harlove.

mardi, 18 avril. Vous avez une famille implacable. Une nouvelle visite de votre oncle Antonin a non-seulement confirmé ma mère dans son opposition à notre correspondance, mais l’a fait presque entrer dans tous leurs principes. Passons à d’autres sujets. Vous plaidez avec beaucoup de générosité pour M Hickman. Peut-être ai-je fait à son égard ce qui m’arrive quelquefois en chantant, de prendre trop haut de quelques tons, et de continuer néanmoins, plutôt que de recommencer, quoique ma voix soit obligée de se contraindre. Mais il est certain qu’il en est plus respectueux ; et vous m’avez appris que les caractères qu’un mauvais traitement est capable d’humilier, deviennent insolens lorsqu’ils sont mieux traités. Ainsi, bon et grave M Hickman, un peu plus de distance, je vous en supplie. Vous m’avez élevé un autel, et j’espère que vous ne refuserez pas d’y fléchir le genou. Mais vous me demandez si je traiterais M Lovelace comme je traite M Hickman. Réellement, ma chère, je m’imagine que non. J’ai considéré très-attentivement ce point de conduite en galanterie, de la part des deux sexes ; et je vous avouerai franchement le résultat de mes réflexions. J’ai conclu que, de la part des hommes, la politesse est nécessaire,