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pas, dans l’occasion, un chagrin réel de l’état auquel il m’a réduite. Entre des coupables, il est difficile d’éviter les récriminations. Il souhaitait de pouvoir pénétrer mes désirs. Cette connaissance servirait à diriger toutes ses propositions. Il ferait ses délices d’exécuter mes volontés. Le plus ardent de mes désirs était de le voir éloigné. Fallait-il le répéter sans cesse ? Dans tout autre lieu que celui où j’étais, il jurait de m’obéir, si j’insistais sur ce point. Mais il lui semblait que le meilleur parti, à l’exception d’un seul, auquel il n’osait toucher qu’en passant, était de faire valoir mes droits, parce qu’étant libre alors de recevoir ou de refuser ses visites, et le réduisant au simple commerce de lettres, je ferais connaître à tout le monde que je n’avais pensé qu’à me rendre justice à moi-même. Vous répéterai-je continuellement, monsieur, que je ne veux point de procès avec mon père ? Croyez-vous que ma triste situation puisse changer quelque chose à mes principes, du moins lorsque j’aurai le pouvoir de les observer ? Comment pourrais-je m’établir dans ma terre sans employer les formalités de la justice et sans l’assistance de mes curateurs ? L’un des deux a pris parti contre moi. L’autre est absent. Quand je serais disposée à prendre quelques mesures, il faudrait plus de temps que les circonstances ne m’en accordent ; et ce qui m’est nécessaire à présent, c’est l’indépendance, c’est votre départ immédiat. Il m’a protesté, avec serment, que par diverses raisons qu’il m’avait représentées, il ne croyait pas qu’il y eût de sûreté pour moi à demeurer seule. Son espérance était de trouver quelque lieu que je pusse agréer. Mais il prenait la liberté de me dire qu’il se flattait de n’avoir pas mérité, par sa conduite, cette ardeur que j’avais de le voir éloigné ; d’autant plus qu’assurément j’apportais assez de soins à lui fermer ma porte, quoiqu’il pût me protester, avec la plus parfaite vérité, qu’il ne m’avait jamais quittée sans se sentir meilleur, et sans une ferme résolution de se confirmer dans ce sentiment par mon exemple. des soins à vous fermer ma porte ! ai-je répété. J’espère, monsieur, que vous ne vous croyez pas en droit de vous plaindre, si je prétends qu’on me laisse un peu de tranquillité dans ma retraite. J’espère que, toute novice que vous m’avez trouvée sur le point capital, vous ne me croyez pas assez foible pour aimer l’occasion d’entendre vos élégans discours, sur-tout lorsqu’il n’y a point de nouvel incident qui m’oblige de recevoir vos visites ; et que vous ne croyez pas non plus qu’il soit nécessaire de m’interrompre à tous momens, comme si j’avais besoin de vos protestations continuelles pour me fier à votre honneur. Il a paru un peu déconcerté. Vous n’ignorez pas, M Lovelace, ai-je continué, pourquoi je désire si ardemment votre absence. C’est pour faire connaître au public que je suis indépendante de vous, et dans l’espérance que cette opinion me fera trouver moins de difficulté à nouer un traité de réconciliation avec mes amis. J’ajouterai, pour satisfaire votre impatience, qu’ayant le bonheur d’être si bien dans l’esprit de vos proches, je consens volontiers à vous instruire, par mes lettres, de chaque pas que je ferai, et de toutes les ouvertures que je puis recevoir, sans aucune intention néanmoins de me lier, par cette complaisance, dans mes démarches et dans mes résolutions. Mes amis savent que le testament de mon grand-père m’autorise à disposer