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obtenu la confiance d’une si admirable personne ". Tels sont ses termes. Ma confiance, chère Miss Howe ! Personne au monde, comme vous le dites, n’en prendra une autre opinion, quand je publierais la vérité : vous voyez que Miss Montaigu, et toute sa famille sans doute, jugent du moins ma démarche fort extraordinaire. " elle souhaite aussi que la cérémonie soit bientôt célébrée ; et c’est le vœu, dit-elle, de Milord M, de ses tantes, de sa sœur, et de tous ceux qui veulent du bien à leur famille. Après cet heureux jour, elle se propose de se rendre auprès de moi, pour grossir mon cortége. Milord M s’y rendra lui-même, s’il est un peu soulagé de sa goutte. Ensuite il nous abandonnera un de ses trois châteaux, où nous serons libres de nous établir, si nous n’avons pas d’autres vues ". Miss Montaigu ne dit rien pour s’excuser de ne s’être pas trouvée sur ma route, ou à Saint-Albans, comme il me l’avait fait espérer. Cependant elle parle d’une indisposition qui l’a tenue quelque temps renfermée. Il m’avait dit aussi que Milord M était attaqué de la goutte ; ce qui se trouve confirmé par la lettre de sa cousine. Vous ne douterez pas, ma chère, que ces deux lettres ne m’aient causé beaucoup de satisfaction. Il en a lu les marques sur son visage, et j’ai remarqué, à mon tour, qu’il s’en applaudissoit. Cependant je ne cesse pas d’être surprise qu’il ne m’ait pas fait cette confidence dès hier au soir. Il m’a pressée de me rendre directement chez Miladi Lawrance, sur le seul témoignage des sentimens de cette dame, tel que je l’ai vu dans sa lettre. Mais, quand je n’aurais aucune espérance de réconciliation avec mes amis, ce que mon devoir m’oblige du moins de tenter, comment suivre ce conseil, lui ai-je dit, lorsque je n’ai reçu d’elle aucune invitation particulière ? Il se croit sûr que le silence de sa tante vient du doute que son invitation fût acceptée ; sans quoi, elle me le ferait avec le plus grand empressement du monde. Ce doute même, lui ai-je répondu, suffisait pour me faire rejeter son conseil. Sa tante, qui connaît si bien les loix de la véritable décence, m’apprenait, par ce doute, qu’il ne me convenait point encore d’accepter son invitation. D’ailleurs, monsieur, grâces à vos arrangemens, ai-je un habit avec lequel je puisse me présenter ? Oh ! M’a-t-il dit, j’étais assez bien pour paroître à la cour même, si l’on exceptait les pierreries : et j’y porterais la plus aimable figure (il devait dire la plus extraordinaire ). L’élégance de mon habillement l’étonnoit. Il ne comprenait pas par quel art je paroissais avec autant d’avantage que si j’avais changé d’habit tous les jours : et puis ses cousines Montaigu me fourniraient tout ce qui me manque ; il allait écrire à Miss Charlotte, si je lui en accordais la permission. Me prenez-vous, lui ai-je dit, pour le geai de la fable ? Voudriez-vous que j’empruntasse des habits, pour rendre visite à ceux qui me les auraient prêtés ? Assurément, M Lovelace, vous me croyez trop de bassesse ou trop de confiance. Aimois-je mieux me rendre à Londres, pour quelques jours seulement, et pour y acheter des habits ? Peut-être oui, si ce n’était pas à ses dépens. Je n’étais pas prête encore à porter sa livrée. Vous concevez, ma chère, que mon ressentiment contre les artifices qui m’ont forcée à la fuite, ne lui paraîtrait pas sérieux, si je ne lui marquais