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la parole que je lui ai donnée de ne pas lui préférer d’autre homme, aux conditions qu’il a si joyeusement acceptées, il demeurera d’autant plus tranquille, que son rôle, à présent, est de mériter mon estime, par la seule voie qu’il connaît propre à la lui faire obtenir. " je ne suis qu’un jeune homme, mademoiselle, a-t-il ajouté d’un air fort sérieux ; mais j’ai fait une longue course. Que cet aveu ne m’attire pas le mépris d’une ame aussi pure que la vôtre. Il est temps d’abandonner un train de vie dont je suis fatigué ; car je puis dire, comme Salomon, qu’il n’y a rien de nouveau pour moi sous le soleil. Mais je suis persuadé qu’une conduite vertueuse offre des plaisirs qui ne s’altèrent point, et qui ont toujours le charme de la nouveauté ". Ce discours m’a causé la plus agréable surprise. Je l’ai regardé attentivement, comme si je m’étais défiée du témoignage de mes yeux et de mes oreilles. Sa contenance s’accordait avec son langage. Je lui en ai marqué ma joie, dans des termes dont il a paru si touché, qu’il trouvait plus de satisfaction, m’a-t-il dit, dans cette aurore de ses beaux jours et dans mon approbation, qu’il n’en avait jamais ressenti du succès de ses passions les plus emportées. Assurément, ma chère, il parle de bonne foi. Il ne serait pas capable de ce langage ni de ces idées, si son cœur n’y avait autant de part que son esprit. Ce qui suit m’a disposée encore plus à le croire sincère. " au milieu de mes erreurs, a-t-il repris, j’ai conservé du respect pour la religion et pour ceux qui lui sont sincèrement attachés. J’ai toujours changé de discours, lorsque mes compagnons de libertinage, en vertu du test de Milord Shastbury , qui fait partie du symbole des libertins, et que je puis nommer la pierre de touche de l’infidélité, se sont efforcés de tourner les choses saintes en ridicule. C’est ce qui m’a fait donner le nom de libertin décent , par quelques honnêtes prêtres, qui ne m’en croyaient pas plus réglé dans la pratique ; et mes désordres m’ont laissé une sorte d’orgueil, qui ne m’a pas permis de désavouer ce nom. Je suis d’autant plus porté à cet aveu, mademoiselle, qu’il peut vous faire espérer que l’entreprise de ma réformation, dont je me flatte que vous aurez la bonté de vous charger, ne sera pas aussi difficile que vous avez pu le craindre. Il m’est arrivé plus d’une fois, dans mes heures de retraite, lorsqu’après quelques mauvaises actions la pointe du remords se faisait sentir, de prendre plaisir à penser que je mènerais quelque jour une vie plus réglée. Sans ce fonds de goût pour le bien, je m’imagine qu’il ne faudrait rien espérer de durable dans la plus parfaite réformation. Mais votre exemple, mademoiselle, doit tout faire et tout confirmer ". C’est de la grâce du ciel, M Lovelace, que vous devez tout vous promettre. Vous ne savez pas combien vous me faites de plaisir, lorsque vous me donnez occasion de vous parler dans ces termes. Là-dessus, ma chère, je me suis rappelé sa générosité pour la jolie paysanne, et sa bonté pour ses fermiers. " cependant, mademoiselle, a-t-il repris encore, souvenez-vous, s’il vous plaît, que la réformation ne saurait être l’ouvrage d’un instant. Je suis d’une vivacité infinie. Souvent elle m’emporte. Jugez, mademoiselle, par ce que vous allez entendre, quel prodigieux chemin j’ai à faire, avant qu’une bonne ame puisse penser un peu de bien de moi : quoique j’aie quelquefois jeté les yeux sur les ouvrages de nos mystiques ,