Page:Richardson - Clarisse Harlove, I.djvu/452

Cette page n’a pas encore été corrigée

Ce qui me reste à dire là-dessus, M Lovelace, c’est que ce misérable agent à double face ayant causé probablement de grands maux de part et d’autre, et paroissant continuer ses viles pratiques, mon devoir m’oblige de faire connaître à mes amis quel serpent ils nourrissent dans leur sein. Oh ! Par rapport à lui, mademoiselle, vous ferez tout ce qu’il vous plaira ; le temps de ses services touche à sa fin. Le coquin en a tiré bon parti. Son dessein n’est pas de vieillir dans sa condition. Il est actuellement en traité pour une hôtellerie, qu’il regarde comme le sommet de la fortune. Je vous apprendrai même qu’il fait l’amour à la Betty de votre sœur ; et cela, par mon conseil. Ils doivent se marier, lorsque Léman sera établi. Je médite déjà quelque moyen de punir cette effrontée soubrette, de toutes les insolences que vous avez essuyées d’elle, et de l’en faire repentir jusqu’au dernier moment de sa vie. Que de misérables projets, monsieur ! Comment ne craignez-vous pas de trouver aussi quelque vengeur pour des maux bien plus grands dont vous êtes coupable ? Je pardonne de tout mon cœur à Betty. Elle n’était point à moi ; et, suivant les apparences, elle n’a fait qu’obéir aux ordres de celle à qui elle devait de l’obéissance, avec plus de soumission que je n’en ai eu pour ceux à qui j’en devais beaucoup davantage. N’importe, m’a-t-il répondu, peut-être, ma chère, dans la vue de m’effrayer. " le décret était prononcé. Il fallait que, Betty portât la peine de son insolence : et si je croyais que Léman ne méritât pas moins d’être puni, il me promettait que dans son plan, qui étoit double, l’un et l’autre auraient part à sa vengeance. Le mari et la femme ne devaient pas souffrir séparément ". La patience m’a manqué. Je lui en ai fait nettement l’aveu. Je vois, monsieur, lui ai-je dit, avec quel homme je suis condamnée à vivre ; et me retirant, je l’ai laissé dans un état que j’aurais pris dans un autre pour de l’embarras et de la confusion.



Miss Clarisse Harlove à Miss Howe.

la franchise avec laquelle j’ai continué de m’expliquer, lorsque j’ai revu M Lovelace, et le dégoût que j’ai marqué ouvertement pour ses idées, pour ses manières et pour ses discours, paroissent l’avoir un peu rappelé à lui-même. Il veut tourner en plaisanterie les menaces auxquelles il s’est échappé contre mon frère et M Solmes. " il a, dit-il, trop de ménagemens à garder dans sa patrie, pour s’abandonner à des projets de vengeance qui le mettraient dans la nécessité de la quitter. Il prétend, d’ailleurs, qu’il a permis à Léman de rapporter de lui mille choses qui n’ont et qui ne peuvent avoir aucune vérité, dans la seule intention de se rendre formidable aux yeux de quelques personnes, et de prévenir de grands désordres par cette voie. C’est un malheur pour lui d’avoir quelque réputation d’esprit et de vivacité ; on lui attribue souvent ce qu’il n’a pas dit ou ce qu’il n’a pas fait, et plus encore ; on juge de lui sur quelques discours échappés, qu’il oublie, comme dans cette occasion, aussi-tôt qu’ils ont passé ses lèvres ". Il se peut, ma chère, qu’il soit de bonne foi dans une partie de ses