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vaincre. Ainsi j’exige absolument que vous acceptiez mes offres ; et que vous m’expliquiez tout ce qui peut vous manquer d’ailleurs, afin que je me hâte de vous l’envoyer. Ne vous attachez pas tant à l’espoir d’une réconciliation, qu’il vous fasse négliger l’occasion de vous assurer d’un protecteur, tel que serait votre Lovelace avec la qualité de mari. Je m’imagine, du moins, que, si vous aviez quelque insulte à craindre alors, ce ne serait que de lui. Quelles peuvent être ses vues, lorsqu’il laisse échapper des circonstances dont on ne saurait le soupçonner de n’avoir pas connu le prix ? Ce n’est pas vous que je trouve blâmable. Vous ne pouviez vous expliquer autrement que par votre silence et votre rougeur, lorsque cet insensé s’est retranché dans sa soumission pour des loix que vous lui avez imposées dans une autre situation. Mais, comme je le disais quelques lignes plus haut, vous inspirez réellement de la crainte… et puis, je vous réponds que vous ne l’avez pas épargné. Je vous l’ai dit dans ma dernière lettre : le rôle que vous avez à soutenir est extrêmement délicat. J’ajoute que vous avez l’ame trop délicate pour ce rôle. Mais, quand l’amant est exalté, l’héroïne doit être humiliée. Il est naturellement fier et insolent. Je ne sais si vous ne devriez pas engager son orgueil, qu’il nomme son honneur ; et s’il n’est pas à propos d’écarter un peu plus le voile. Je voudrais du moins que les regrets de vous être trouvée au rendez-vous, et d’autres plaintes, fussent supprimés. Que servent les regrets, ma chère ? Il ne les supportera point ; vous ne devez pas espérer qu’il les supporte. Cependant mon propre orgueil est mortellement blessé, qu’un misérable de ce sexe puisse obtenir cette espèce de triomphe sur une personne du mien. Je dois avouer, après tout, que votre courage me charme. Tant de douceur, lorsque la douceur est convenable ; tant de fermeté, lorsque la fermeté est nécessaire ; quelle grandeur circonstances où vous êtes, un peu de réserve et de politique ne serait pas d’un mauvais usage. L’humilité, dont il paraît se revêtir lorsqu’il vous voit échauffée contre lui, ne lui est pas naturelle. Je me le représente hésitant, décontenancé, comme vous le peignez, sous la supériorité de vos corrections. Mais Lovelace n’est rien moins qu’un sot. Ne vous exposez point au mélange du ressentiment et de l’amour. Vous êtes très-sérieuse, ma chère, dans la première de vos deux lettres, sur ce qui touche M Hickman et ma mère. à l’égard de ma mère, épargnez-vous cette gravité. Si nous ne sommes pas toujours bien ensemble, dans d’autres tems nous ne sommes pas trop mal. Aussi long-temps que je suis capable de la faire sourire, au milieu de ses plus grands accès d’humeur (quoiqu’elle s’efforce quelquefois de s’en empêcher), c’est un fort bon signe, un signe que sa colère n’est pas profonde, ou qu’elle ne peut durer long-temps. D’ailleurs, un mot d’honnêteté, un regard obligeant, que j’adresse à son favori, met toujours l’un en extase, et rend l’autre d’une humeur supportable. Mais votre situation me pénêtre le cœur ; et, malgré ma légèreté, il faut qu’ils partagent quelquefois tous deux mon chagrin, qui ne cessera qu’avec l’incertitude de votre sort : sur-tout après le malheur que j’ai eu de ne pouvoir vous procurer une protection qui