Page:Richardson - Clarisse Harlove, I.djvu/444

Cette page n’a pas encore été corrigée

voir comme dans un miroir. Cependant, cabale est le mot. Que mon secret ne t’échappe pas, même en songe. Personne ne doute qu’elle ne doive être ma femme. Elle passera pour telle, lorsque je te donnerai le mot. En attendant, je ferai parade de réformation ; et si je ne puis conduire la belle à Londres, quelqu’une de nos favorites me dédommagera de cette contrainte. J’ai tout dit.



Miss Howe à Miss Clarisse Harlove.

modérez votre inquiétude, ma très-chère amie, sur les petits différends qui s’élèvent entre ma mère et moi. Je vous assure que nous ne nous en aimerons pas moins. Si ma mère ne m’avait pas pour exercer son humeur, il faudrait qu’elle la tournât sur un autre : et moi, ne suis-je pas une fille très-bizarre ? ôtez-nous cette occasion, il nous en renaîtrait mille pour une. Vous m’avez souvent entendu dire que c’est une ancienne habitude entre nous : et vous ne le savez que de moi-même ; car lorsque vous étiez avec nous, vous aviez l’art de nous entretenir dans une parfaite harmonie. En vérité, je vous ai toujours redoutée plus qu’elle ; mais l’amour accompagne cette crainte. Vos reproches portent un air d’instruction et de douceur, qui fait nécessairement impression sur un caractère généreux. La méthode de ma mère est différente : " je le veux ; je vous l’ordonne ; entendez-vous ? Ne sais-je pas mieux que vous ce qui vous convient ? Je ne souffrirai point qu’on me désoblige ". Quel moyen, pour une fille un peu formée, de soutenir continuellement ce langage, et de n’avoir pas beaucoup de lenteur pour l’obéissance ? Ne me conseillez pas, ma chère, d’obéir à ma mère lorsqu’elle m’interdit toute correspondance avec vous. Cette défense n’est pas raisonnable, et je suis sûre que ce n’est pas son propre jugement qu’elle consulte. Votre vieux lutin d’oncle, dont les visites sont plus fréquentes que jamais, poussé par votre frère et votre sœur, en est l’unique occasion. Dans l’éloignement où ils sont de vous, la bouche de ma mère est une espèce de porte-voix par lequel ils se font entendre. Encore une fois, cette défense ne peut venir de son cœur. Mais quand elle en viendrait, quel peut donc être le danger pour une fille de mon âge, d’écrire à une personne de son sexe ? Que le chagrin et l’inquiétude ne vous causent pas trop d’abattement, ma très-chère amie, et ne vous fassent pas créer des difficultés imaginaires. Si votre inclination vous porte à vous servir d’une plume, j’ai le même goût, que j’exercerai dans toutes les occasions, et pour vous écrire, et malgré toutes leurs plaintes. Que vos lettres ne soient pas remplies non plus de reproches et d’accusations contre vous-même. C’est une injustice. Je souhaiterais que votre Anne Howe, qui n’a pas quitté la maison de sa mère, fût aussi bonne de la moitié que Miss Clarisse Harlove, qu’on a chassée de celle de son père. Je ne dirai rien de votre lettre à Bella, jusqu’à ce que j’en aie vu les effets. Vous espérez, dites-vous, malgré mes craintes, qu’on vous enverra votre argent et vos habits. Je suis fâchée d’avoir à vous apprendre que le conseil s’est assemblé à l’occasion de votre lettre ; et que votre mère, la seule qui ait opiné en votre faveur, a trouvé des oppositions qu’elle n’a pu