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un état d’épreuve, quel moyen de l’encourager tout d’un coup par des signes d’approbation, sur-tout immédiatement après les vivacités auxquelles je venais de m’emporter ? Je n’en aurais pas été capable, quand il aurait été question de la vie. Il m’a regardée d’un œil fixe, malgré sa modestie étudiée, comme s’il eût voulu pénétrer mes dispositions ; tandis qu’à peine osois-je lever mes regards sur lui. Il m’a demandé pardon avec beaucoup de respect. Il tremblait, m’a-t-il dit, que je ne le jugeasse pas digne d’une autre réponse qu’un silence méprisant. Le véritable amour craint toujours d’offenser. (prenez garde, Lovelace, ai-je pensé, qu’on ne juge du vôtre par cette règle.) il aurait observé inviolablement mes loix, si je ne lui avais permis… je n’ai pas voulu l’entendre plus long-temps. Je me suis levée, avec des marques très-visibles de confusion, et je l’ai laissé faire à lui-même ses complimens insensés. Ce que je puis ajouter, ma chère Miss Howe, c’est que, s’il souhaite réellement la cérémonie, il ne pouvait avoir une plus belle occasion pour presser mon consentement. Mais il l’a manquée, et l’indignation a succédé. Mon étude à présent sera de l’éloigner de moi.

Cl Harlove.



M Lovelace à M Belford.

que faire avec une femme qui est au-dessus de la flatterie, et qui méprise les louanges, lorsqu’elles ne sont point approuvées de son propre cœur ? Mais pourquoi cette admirable créature presse-t-elle sa destinée ? Pourquoi brave-t-elle le pouvoir dont elle est absolument dépendante ? Pourquoi souhaiter, devant moi, de n’avoir jamais quitté la maison de son père ? Pourquoi me refuser sa compagnie, jusqu’à me faire perdre patience, et me mettre dans le cas d’exciter son ressentiment ? Enfin pourquoi, lorsqu’elle est offensée, porte-t-elle son indignation au plus haut point où jamais une beauté méprisante, dans le fort de son pouvoir et de son orgueil, ait pu la porter ? Trouves-tu que, dans sa situation, il y ait de la prudence à me dire et à me répéter : " que d’heure en heure elle est plus mécontente et d’elle-même et de moi ; que je ne suis pas de ces hommes qui gagnent à être mieux connus ; (cette hardiesse, Belford, te plairait-elle dans la bouche d’une captive ?) qu’un mauvais sort l’a jetée dans ma compagnie ; que, si je la crois digne des chagrins que je lui donne, je dois m’applaudir des artifices par lesquels j’ai précipité une personne si extraordinaire dans le plus grand excès de folie ; qu’elle ne se pardonnera jamais à elle-même de s’être rendue à la porte du jardin, ni à moi de l’avoir forcée de me suivre (ce sont ses propres termes) ; qu’elle veut prendre soin d’elle-même ; que mon absence lui rendra la maison de Madame Sorlings plus agréable ; et que je puis aller à Berks, à Londres, ou dans tout autre lieu, au diable, je suppose, où elle m’envoie de tout son cœur " ? Qu’elle entend mal ses intérêts ! Tenir ce langage à un esprit aussi vindicatif que le mien ! à un libertin, tel qu’elle me croit ! Au pouvoir