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Mes alarmes continuelles, quoique soulagées par l’opinion que j’ai de votre prudence, me font souhaiter qu’il ne manque rien au détail. S’il arrivait quelque chose que vous crussiez pouvoir me dire de bouche, ne faites pas difficulté de me l’écrire, quelque répugnance que vous ayiez à le confier au papier. Outre la confiance que vous devez avoir aux mesures de M Hickman, pour la sûreté de vos lettres, songez qu’un spectateur juge mieux du combat que celui qui est dans la mêlée. Les grandes affaires, comme les personnes d’importance, vont rarement seules ; et leur cortège fait quelquefois leur grandeur, c’est-à-dire, qu’elles sont accompagnées d’une multitude de petites causes et de petits incidens, qui peuvent devenir considérables par leurs suites. Tout considéré, je ne crois pas qu’il vous soit libre à présent de vous défaire de lui quand vous le souhaiterez. Je me souviens de vous l’avoir prédit. Je répète donc qu’à votre place, je voudrais feindre au moins de lui accorder un peu de confiance. Vous le pouvez, aussi long-temps qu’il ne lui échappera rien contre la décence. De la délicatesse dont vous êtes, tout ce qui sera capable de le rendre indigne de votre confiance ne peut se dérober à vos observations. S’il en faut croire votre oncle Antonin, qui s’en est ouvert à ma mère, vos parens s’attendent que vous vous jetterez sous la protection de miladi Lawrance, et qu’elle offrira sa médiation pour vous. Mais ils protestent que leur résolution est de fermer l’oreille à toute proposition d’accommodement qui viendra de cette part. Ils pourraient ajouter, et de toute autre ; car je suis sûre que votre frère et votre sœur ne leur laisseront pas le temps de se refroidir, du moins jusqu’à ce que vos oncles, et peut-être votre père même, aient fait des dispositions qui les satisfassent. Comme cette lettre doit vous apprendre le changement de ma première adresse, je vous l’envoie par un ami de M Hickman, sur la fidélité duquel nous pouvons nous reposer. Il a quelques affaires dans le voisinage de Madame Sorlings. Il connaît même cette femme ; et son dessein étant de revenir ce soir, il apportera ce que vous aurez de prêt, ou ce que le temps vous permettra de m’écrire. Je n’ai pas jugé à propos d’employer, cette fois, aucun des gens de M Hickman. Chaque moment peut devenir fort important pour vous, et vous jeter dans la nécessité de changer vos desseins et votre situation. J’entends, du lieu où je suis assise, ma mère qui appelle autour d’elle, et qui met tout le monde en mouvement. Elle va sans doute me demander bientôt où j’étais, et quel emploi j’ai fait de mon tems. Adieu, ma chère. Que le ciel veille à votre conservation ! Et du côté de l’honneur comme de celui des sentimens, puisse-t-il vous rendre sans tache aux embrassemens de votre fidèle amie !



Miss Clarisse Harlove à Miss Howe. Jeudi, 13 avril, après-midi. Je ne vous cacherai pas, ma très-chère et très-obligeante amie, que je me reproche, avec une douleur extrême, cette mauvaise intelligence entre votre mère et vous, à laquelle j’ai le malheur de donner occasion. Hélas ! Combien d’infortunés j’ai faits à la fois ! Si je n’avais pour ma consolation le témoignage de mon cœur, et la