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que de zèle. Songez que ce service mettra le comble à tous les autres ; et comptez, pour la récompense, sur l’honneur de votre ami très-affectionné, Lovelace. p s. ne craignez pas d’aller trop loin avec Betty. Si vous vous engagez jamais avec elle, l’alliance ne sera pas trop mal assortie, quoiqu’elle soit, comme vous dites, un vrai dragon. J’ai une recette admirable pour guérir l’insolence des femmes. Ne crains rien, mon pauvre Joseph ; tu seras le maître dans ta maison. Si son humeur devient trop incommode, je t’apprendrai le moyen de la faire crever de chagrin dans l’espace d’un an, et cela dans toutes les règles de l’honnêteté, sans quoi le secret ne serait pas digne de moi. Le porteur vous remettra quelques arrhes de ma libéralité future.



à M Robert Lovelace.

dimanche, 9 avril. Monsieur, je suis fort obligé à votre bonté. Mais votre dernier commandement me paraît bien fort. Dieu me pardonne et vous aussi, monsieur ! Vous m’avez engagé dans une grande affaire ; et si la mèche était découverte… mais Dieu aura pitié de mon corps et de mon ame, et vous me promettez de me prendre sous votre protection, et d’augmenter mes gages, ou de m’établir dans une bonne hôtellerie ; ce qui fait toute mon ambition. Vous aurez de la bonté aussi pour notre jeune demoiselle, que je recommande à Dieu. Tout le monde n’en doit-il pas avoir pour le beau sexe ? J’exécuterai vos ordres le plus fidèlement qu’il me sera possible, puisque vous dites que vous la perdriez, si je ne le faisais pas, et qu’un homme aussi avare que M Solmes serait assez capable de la gagner. Mais j’espère que notre jeune demoiselle ne nous donnera pas tant de peine. Si elle a promis, je suis persuadé qu’elle tiendra parole. Je serais bien fâché de ne pas vous rendre service, quand je vois que vous avez la bonté de ne vouloir faire de mal à personne. J’avais cru, avant que de vous connaître, que vous étiez fort méchant, ne vous déplaise. Mais je trouve qu’il en est tout autrement. Vous êtes franc comme or fin, et même, autant que je le vois, vous ne souhaitez que du bien à tout le monde, comme je le fais aussi ; car, quoique je ne sois qu’un pauvre domestique, j’ai la crainte de Dieu et des hommes, et je profite des bons discours et des bons exemples de notre jeune demoiselle, qui ne va nulle part sans sauver une ame ou deux, plus ou moins. Ainsi, me recommandant à votre amitié, et vous priant de ne pas oublier l’hôtellerie, quand vous en trouverez une bonne, je vous servirai bien dans cette espérance. Vous en trouverez de reste, si vous cherchez bien ; car aujourd’hui, comme le monde va, les places ne sont pas des héritages ; et j’espère que vous ne me regarderez pas comme un mal-honnête homme,